Un article proposé par le frère Philippe MRN, janvier 2024

Généralement, dans le système de la maçonnerie anglaise, pour répondre aux besoins de la loge et aux principes de la filière, la charge de Maitre de la loge ne dure qu’une année.

C'est un héritage direct de ce qui est inscrit dans l'article 7 des es Statuts Schaw de 1598 qui indiquent : 

« That thar be ane wardene chosin an electit Ilk zir to haif the charge over everie ludge »

« On choisira et élira chaque année un Surveillant pour avoir la charge de cette loge ».

Le surveillant, à l'époque, c'est celui qui dirige la loge, aidés d'un ou plusieurs diacres. C'est pour cela que l'on a un Vénérable Maitre pour un an, toutefois et pour diverses raisons, il peut arriver que cela dure plus d’un an.

Dès lors, il se pose une question : Doit-on réinstaller le Maitre de la loge alors que celui-ci est déjà installé ?

La question peut surprendre, tant on rencontre cette pratique dans les loges, mais à bien y regarder, en lisant les textes, plus particulièrement le rituel, on peut aussi s’interroger si cette pratique qui veut que l'on réinstalle un Maitre déjà installé est bien régulière ?

Est-ce que cela répond à obligation maçonnique ?

Est-ce que cela répond à obligation du rituel ?

Est-ce que cela répond à obligation règlementaire ?

Ou ne serait-ce pas simplement une habitude ?

Attention ... Spoiler Alert !!! La réponse est NON !

Ne nous y trompons pas. Il est tout à fait cohérent de procéder à la cérémonie d’installation d’un Passé Maitre, c’est-à-dire ayant déjà été précédemment installé, et ceci après une période passée hors de la chaire.

L’installation du Maitre de la loge, c’est 4 phases :

• une élection, qui fait du candidat le maitre élu,
• une cérémonie au deuxième grade durant laquelle le maitre élu prend ses engagements et une obligation. Il reste le maitre élu mais « nouvellement assermenté ». Il est relevé comme tel.
• une cérémonie d’installation secrète en Conseil de Maitres Installés, dites « Inner Working », qui fait du maitre élu le maitre de la loge, mais surtout un maitre installé.
• une installation du collège d’officiers,

En regardant le rituel, que lit-on ?

L’obligation du maitre élu indique :

« … jusqu'à l'époque fixée pour la prochaine élection dans cette Loge, et jusqu'à ce qu'un successeur ait été dûment élu et installé à ma place. »

L’obligation de maitre installé indique :

« … à personne au monde, sauf à un Maître Installé, ou à un candidat dûment élu à cette charge »

Le rituel d’installation indique pour chaque grade :

« … jusqu'à la date fixée pour la prochaine élection dans cette Loge et jusqu'à ce qu'un successeur ait été dûment élu et installé à sa place. »

Plus loin, concernant la charte de la loge :

« … mais sera transmise à votre successeur pure et sans tache, telle que vous la recevez aujourd'hui. »

A partir de là, le texte du rituel est très clair.

L’obligation de maitre élu, comme celle de maitre installé, ne peut être prise que par, soit un maitre élu, soit par un maitre installé. C'est à dire soit un frère qui a été élu car il était candidat à la succession du maitre de la loge, celui en place, soit parce qu'il est déjà un passé maitre, c’est-à-dire qu’il a déjà été installé Vénérable Maitre à un moment et qu’il ne l'est plus.

C'est un peu technique mais c'est ça.

Plus tard, à l’occasion du retour des frères de la loge, il sera répété plusieurs fois aux frères après l'installation ceci :

« ...jusqu'à ce qu'un successeur ait été dûment élu et installé à sa place ».

Cela n'est donc pas dans le rituel !

En effet, si le maitre de la loge est en place, qu’il a été installé dans la chaire, quil y es encore, qu'il n'y a pas de succéesseur, en toute logique il ne peut donc pas être un maitre élu candidat à la succession, à sa propre succession. On voit bien durant les cérémonies que ce sont deux choses distinctes.

La loge ayant appelé régulièrement à la candidature - elle peut aussi l'avoir décidé en conformité avec ses propres statuts - et qu’il n’y a pas de candidature, il n’y a donc pas lieu de faire d’élection. C'est pas une election démocratique comme on l'entendrait pour le maire d'une commune, cela n'a rien à voir.

On n'a pas a remettre en cause le choix et l'election précédement faite. Ce n'est pas un vote de confiance pour un deuxième mandat...

A partir de là, le maitre de la loge en place doit donc simplement rester dans sa fonction jusqu'à l'époque fixée pour la prochaine élection dans la loge, et jusqu'à ce qu'un successeur ait été dûment élu et installé à sa place.

Notons pour finir que le wBro Bruce W, précepteur de l’Emulation Lodge of Improvment à Londres recommandait ceci :

« Donc, si le Vénérable Maître a été élu pour une deuxième année, il n’y a pas lieu de l’Installer de nouveau ! Dans le Rite (sic) Émulation, on ne peut ouvrir un Conseil de Maîtres Installés que pour Installer un Vénérable Maître. Si le Vénérable Maître reste en place pour une deuxième année, il suffit que cela soit proclamé, peut-être par le Directeur de Cérémonie ou le Passé Maître Immédiat. Éventuellement, le Vénérable Maître procédera à l’investiture d’un nouveau Collège d’Officiers.».

et il ajoute cette prudence à retenir fermement :

« Il est surtout important que personne ne présente au Vénérable Maître la Charte de la Loge, puisque cette dernière est déjà en sa garde, et n'a pas été transmise à un successeur ».

Limpide, isn't it ?

Pour le collège, comme soulevé par notre frère d'ELOI, il n'en est pas de même et il est tout à fait possible de le faire tourner - la filière émulation - et d’installer des officiers différents.

Alors pourquoi voyons-nous périodiquement des cérémonies de « réinstallations » ?

On peut tout à fait penser que cela se fait par confusion.

Le rituel prévoit la réinstallation d’un passé maitre, mais un maitre de la loge ne sera un passé maitre que dès lorsqu’il devient le passé maitre immédiat de la loge.

L’élection du maitre de la loge est très souvent celle qui va également élire le représentant civil de l’assemblée des membres, l’association.

L’installation, au détriment des usages réguliers, est aussi le plus souvent fait par un collège particulier délégué par l’obédience. Une pratique qui lui permet de renforcer son autorité sur la loge.

Cela semble donc plus une confusion des genres qu'autre chose, et peut etre une pratique inutile, voire qui va à l'encontre des principes maçonniques et de l'autotorité essentielle du Maitre de la loge.

Suivons donc les recommandations : 

« si le Vénérable Maitre a été élu pour une deuxième année, il n’y a pas lieu de l’Installer de nouveau ! »

« ... jusqu'à ce qu'un successeur ait été dûment élu et installé à sa place. »