Rudyard Kipling
10 Septembre 2023

La pantoufle

Extrait de la conférence du 28 mais 2019 " La cérémonie d'initiation expliquée, un pas à pas"

Voir la section Travaux et Conférences

La pantoufle

On met un pied du candidat dans une pantoufle, pourquoi ?

Et ça... je vais vous dire que très peu le savent, et que très peuvent le savoir, et je pense personnellement que les français ne peuvent pas le savoir, et je vais vous expliquer pourquoi.

Alors, avec un sujet comme celui-ci, où on peut toujours essayer de tirer un enseignement de la pantoufle, et bien on peut essayer de comprendre les choses un peu plus, et on doit donc avoir une démarche du maçon qui veut essayer de comprendre, et c'est une démarche qui est 1), il va chercher dans la Bible et 2), il va chercher dans les premiers textes et avec ça, il est forcément éclairé, ou au moins un peu, mais dans tous les cas cela lui donne quelques pistes.

Alors on va chercher dans les premiers textes qui disent, depuis les premières divulgations que l'on à, c’est-à-dire à partir de 1720/25/30.

Elles disent toutes la même chose : "half shod half bairfoot" (Graham), "Barefoot nor shod" (Pritchard, Tree distinct knocks)

Ils disent tous la même chose !

C'est à dire ni chaussé, ni pas chaussé, c'est à dire en fait... on a un pied nu.

C'est le sens de  "barefoot"

Ce pied là, il doit être chaussé, ce pied là il doit être nu et on trouve plein d'éléments là-dessus, tous les textes en parlent et le montrent d'ailleurs.

Mais il faut attendre 2 choses... un première, éminente... il faut attendre qu'il commence à y avoir des divulgations, c'est à dire que des gens qui seulement ont vu, sans faire à un quelconque moment, et reportent ce qu'ils ont vu, pour commencer à trouver ce qui n'est pas encore une pantoufle, mais ce qui est encore un "slipper"

Il se passe quoi ? Forcément le sol... c'est froid.

Au 18e, ce n’est pas que froid, c'est aussi un peu rugueux, un peu sale... et tous ces gens qui sont quand même des gens un peu bien, ils ont le pied nu bien sûr, mais on leur met une espèce de semelle ... une semelle un peu comme une tongs si vous voulez, avec juste un petit truc histoire de le protéger un peu pendant la cérémonie.

Alors petit à petit, on ne trouve pas des choses qui n'ont que ça, qu'avec un semelle, alors on en met un peu plus, on s'égare et puis on finit par prendre ce que l'on trouve dans un placard, chez soi. Mais au départ pourtant, il s'agit du pied nu.

On a gaché quelque chose là.

Et alors effectivement on trouve notamment en France la première mention de cette situation-là, c'est la divulgation du Préfet Héraut en 1738,

Vous savez c'est cette descente de police qui s'opère en 1738 en France, où l'on va voir ce qui se passe, parce que la maçonnerie n'est pas forcément très bien vue quand elle arrive et là, le Préfet Héraut explique et décrit tout ce qu'il a vu. Et il a vu entre autres "on lui fait mettre un soulier gauche en pantoufle".

C'est ce qui est écrit dans cette divulgation "Réception d’un Frey-Maçon"-.

Alors on raconte ce que l'on a vu, mais on n’est pas dans ce qu'il faudrait faire, on en est loin, et petit à petit, les choses vont changer...

Alors, qu'il faille normalement que ce pied soit nu, c'est évident, et il n'y a pas de problème avec ça.

Mais si on reprend les instructions, celle-ci nous disent "Pourquoi étiez-vous en pantoufle ?" et alors... comme nos loges sont censés se tenir en terre sainte, cet usage rappelle le passage des écritures où le Seigneur s'adresse ainsi du buisson ardent à Moise : "Déchausse toi, car le sol que tu foules est sacré". 

Ok... mais le problème c'est que, normalement, si c'était Moise - le candidat - et bien il devrait avoir les deux pieds déchaussés et les 2 pieds nus, mais là, il - toujours le candidat - il n'en a qu'un de pied nu.

Un seul ... pas les deux ... pourquoi ?

Et bien c'est une réponse à laquelle aucun français ne peut donner une réponse ! Pourquoi ?

Parce qu’en fait, il y a eu à un moment donné une erreur il y a 5 siècles, une erreur de traduction de la Bible. Une erreur que l'on va trainer comme un boulet.

La Vulgate, texte latin qui est le socle des traductions qui vont être faites à cette époque, a servi à la Bible de Sacy, - C'est la Bible écrite au 18e traduite par Pascal et d'autres, qui est la Bible courante au 18e,et elle a été faite sur une traduction de la Vulgate -.

Les anglais eux, le Roi Jacques, puisque l'église devient anglicane, trouve que les Bibles existantes sont beaucoup trop catholique - ou calviniste - demande à un comité d'experts de faire une traduction qui soit la plus proche possible du texte. Et donc pour réaliser la Bible du Roi Jacques - The King James - , on va reprendre les textes hébreux du départ, et donc on va traduire exactement comment cela s'est passé dans les textes, c'est à dire en Hébreu - cela part de l'Hébreu la King James pour l'ancien testament - et dans ces deux traductions se passe les choses suivantes : Pour Moise, les deux traductions disent la même chose : "Le Seigneur dit à Moise, déchausse-toi, ôte TES chaussures de TES pieds". C’est un pluriel.

Très bien, Bible de Sacy et King James, la même chose.

Mais il va se passer exactement la même histoire quelques temps après avec Josué. Josué, le Seigneur va lui demander de se déchausser pour pouvoir fouler le sol Saint, et là... c'est le drame.

Pourquoi ? Parce que la Vulgate traduit mal, elle dit "ôte tes chaussures", en latin c'est "calcamenta de pedibus tuis" et c'est un pluriel alors que le texte premier en hébreu est un singulier : "Il demande à Josué d'ôter sa chaussure..." (Josué – 5 :15)

Une chaussure, et je ne veux rien divulguer - s'agissant d'un élément d'un side-degree - mais à un moment donné, il va ôter la deuxième... et il est normal que Moise ôte les deux, Josué le disciple n'en ôte qu'une.

Vous me suivez ? (sinon relire calmement)

Cela est pour la compréhension Biblique, Rabbinique de tout cela - voir Chouraqui ou Bible du Rabbinat Français -, car pour les rabbins tout cela est très clair. Il y a plein de textes qui expliquent qu'il est normal que Josué n'enlève qu'une seule chaussure.

Donc on nous explique, mais c'est compliqué car il faut remettre en place plein de choses, que la chaussure chez les Hébreux, la chaussure est le corps de l'âme. La chaussure représente le corps de l'âme et il y a 2 corps - le corps corporel et le corps spirituel - et c'est le pourquoi nous avons deux chaussures et donc Moise est autorisé à ôter à la fois son corps corporel et son corps spirituel pour pouvoir pénétrer dans le sol sacré (Exode 3 :5) alors que Josué lui n'est autorisé qu'à ôter une seule chaussure.

Voilà pourquoi, tel Josué le récipiendaire à l'initiation rentrera avec un pied nu et pas deux.

Il est intéressant et capital de se rendre compte que l'on est toujours dans un rapport à l'âme et c'est cela qui est capital.

Maintenant, que faire de cette histoire et de ces mécompréhensions successives qui ont fait que l'on a rajouté une pantoufle, qui n'a absolument rien à faire ici.

Mais c'est un peu toujours comme ça, et si l'on regarde le tablier de maitre, on lui a rajouté des petites breloques - les chainettes - qui n'ont rien à faire là non plus, et qui ne sont qu'un reliquat d'une ceintures. Cela est très courant et cela n'est pas grave tant que l'on ne leur donne pas une présence symbolique et que cette présence symbolique ne cache pas la réalité de ce que cela veut dire.