
Un article proposé par le frère Patrick Buffe de Meridian 4106, Londres.
Jérémie 23:29 :
« Ma parole n'est-elle pas comme un feu, dit l'Éternel, et comme un marteau qui brise le roc ? »
Poursuivant l’étude des mots du rituel Émulation en langue anglaise qui offrent, même aux locuteurs natifs, des difficultés de compréhension et qui de ce fait ont vu leur traduction en français malmener encore davantage le vrai sens, nous nous intéresserons aujourd’hui au « Common gavel » outil de travail de l’apprenti, connu de manière erronée en français sous le nom de « maillet à dégrossir » et au « heavy maul », « maillet pesant », instrument avec lequel Hiram Abif fut assassiné.
Le « maillet » connaît une fortune injustifiée dans la Maçonnerie francophone alors que, nous allons le voir, sa place est réduite, voire inexistante dans les anciens rituels et aussi, dans le rituel Émulation en anglais actuel.
1) Le « maillet » apparaît à deux reprises dans le rituel Émulation :
- Dans la présentation des outils de l’Apprenti :
WM: I now present to you the working tools of an Entered Apprentice Freemason: they are the 24-inch Gauge, the common Gavel, and Chisel…..the common Gavel represents the force of conscience, which should keep down all vain and unbecoming thoughts which might obtrude during any of the aforementioned periods, so that our words and actions may ascend unpolluted to the throne of Grace.
Je vous présente maintenant les outils de travail de l’Apprenti entré Franc-maçon : ce sont la jauge de 24 pouces, le common gavel et le ciseau……..le common gavel (« maillet à dégrossir ») représente la force de la conscience qui pourra écarter toute pensée vaine ou inconvenante qui pourrait s’imposer au cours de n’importe laquelle des périodes précitées, afin que nos paroles et nos actions puissent s’élever pures jusqu’au trône de la Grâce.
- Dans la description des outils utilisés pour le meurtre d’ Hiram Abif :
WM: …when the villain, who was armed with a heavy Maul, struck him a violent blow on the forehead (WM, seated, lifts heavy Maul and goes through movement of striking without touching Candidate) which laid him lifeless at his feet.
..quand le scélérat qui était armé d’un heavy maul (« maillet pesant ») le frappa d’un coup violent au front, qui l’étendit mort à ses pieds.
Une fois de plus nous retrouvons un élément symbolique qui se trouve à la fois dans le premier et le troisième grade sous une forme légèrement différente. L’absence de ce type de matériel symbolique au deuxième grade n’est pas étonnant lorsque l’on se souvient qu’autrefois, le grade d’apprenti et celui de compagnon n’en formaient qu’un et étaient délivrés au cours de la même cérémonie.
2) Au plan historique :
Ces outils apparaissent, on s’en doute, très tôt dans les anciens manuscrits puisque « maul » est mentionné dans les Fabric rolls of York Minster de 1360, où un type de « maul » ou « mell » est appelé « keevil », puis dans les York fabric rolls de 1399 sous la forme de « a big gavel » où il désigne un lourd marteau d’usage général.
S’en suit un long silence, cet outil n’étant mentionné dans certaines Old charges comme Plot’s Natural history of Staffordshire de (1686), le MS Kewan (1714-1720) et le Chetwode Crowley (c.1700) que comme lumière de la loge sous la forme curieuse de « a broked mall » qui est en fait un marteau bretté comme nous le verrons plus loin en étudiant les outils de la taille de la pierre.
Dans « The grand mysterie laid open » de 1726 les outils de travail de l’apprenti sont “..the hammer and the trowel.” soit le marteau et la truelle.
Le MS Graham de la même année cite « mell and chisel » dans les lumières de la loge.
En 1724, on lit dans « The whole institution of Masonry » que la loge possède 12 (sic) lumières dont « the mell and the chisel ».
L’ouvrage « The mysteries of free masonry; containing all the degrees of the order conferred in a master's lodge”, de William Morgan, en 1774, signale que : “The common gavel is an instrument made use of by operative Masons to break off the corners of rough stones”.
On sait que l’introduction de la légende d’ Hiram n’est pas antérieure à la création de la première Grande Loge de Londres et Westminster en 1717 et n’est apparue qu’après 1720, il n’est donc pas étonnant de ne pas trouver la description des éléments du meurtre d’Hiram Abif dans les documents antérieurs à cette date.
Une divulgation de 1726, s’intitule en effet: « The whole history of a widow’s son killed by a blow of a beetle ». « Masonry Dissected » de Prichard en 1730 ne mentionne pas les outils de travail de l’apprenti mais cite comme un des instruments du meurtre d’Hiram Abif : « a setting beadle » (sic !).
The three distincts knocks de 1760 mentionne comme outils de travail de l’Apprenti « common gavel or setting maul » et comme instruments du meurtre : « setting maul, setting tool and setting beetle » !
Le Révérend George Oliver célèbre maçon anglais et polygraphe rapporte dans : « The treasury of freemasonry » de 1862 : « Au cours du XVIIIe siècle les outils utilisés lors du meurtre connurent de nombreux changements. En 1717 ils étaient : setting maul, setting tool and setting beetle, puis la règle de 24 pouces l’équerre et le gavel, ensuite le setting tool, l’équerre et la règle et maintenant fil à plomb, équerre et strong heavy maul. ».
Cela nous montre que le choix de ces instruments du meurtre, comme, nous le verrons, celui des outils d’apprenti obéit plus à l’arbitraire qu’a un choix guidé par des motifs opératifs ou spéculatifs, ce qui explique les grandes variations observées d’un document à un autre, la fixation du rituel lors de l’union de 1813 a dû procéder, de même à un choix certes consensuel, mais, sans doute, arbitraire. Ce choix a sans doute été guidé par une logique ascendante, outils de taille pour l’Apprenti, outils de pose pour le Compagnon, outils de conception pour le Maître.
Mais le choix de seulement trois outils dans chaque grade a forcement contraint à en négliger quelques uns, comme la truelle par exemple ou la massette.
3) La taille de la pierre.
Avant d’aller plus loin dans l’explication de la signification de ces termes anglais et de la traduction que l’on peut en proposer il apparaît utile de rappeler auparavant quelques notions sur la taille de la pierre, tant cette connaissance, fort utile au maçon spéculatif, semble parfois lui échapper plus ou moins.
Commençons par le commencement en étudiant, brièvement, les outils utilisés pour la taille de la pierre. Les principaux outils sont représentés sur la planche ci-dessous [1] :
On distingue parmi ces outils, ceux à percussion lancée (frappe directe) et ceux à percussion posée (frappe indirecte). Les premiers sont des marteaux (et non des maillets) comme le marteau têtu, le marteau taillant, la polka, la pioche (ou pique ou smille), le marteau grain d’orge ou bretté, les seconds des ciseaux, gouges, chasses ou broches etc..
Pour être utilisés, les outils à percussion posée (ciseaux etc..), tenus par la main gauche ont besoin d’un percuteur tenu de la main droite [2] Ce dernier est alors le plus souvent une massette (tête en métal, manche en bois) carrée, ronde (portugaise), ou cintrée :
Massette carrée, ronde (portugaise) et cintrée.
Beaucoup plus rarement, un maillet entièrement en bois, est utilisé uniquement pour la taille de pierres très dures (granit, calcaire dense etc...) mais alors utilisé avec des ciseaux « tête champignon » pour ne pas endommager la tête du maillet.
Maillet et ciseaux à tête « champignon ».
Parmi les maillets utilisés pour les pierres dures, signalons le maillet « Bol » ou « mailloche » sur lequel nous aurons l’occasion de revenir :
Maillet « Bol »
4) Quelle pierre taille-t-on ?
La pierre brute (rough ashlar en anglais) n’est pas une pierre informe comme on pourrait le croire. C’est une pierre déjà dégrossie, grossièrement cubique et prête pour la mise en forme définitive. Cette pierre s’obtient par dégrossissage, à l’aide d’un des marteaux décrits ci-dessus, d’un bloc issu de la carrière.
Un marteau têtu
Dégrossissage de la pierre au marteau têtu
Ce dégrossissage se fait, comme on peut le voir ici, le plus souvent, à l’aide d’un marteau dit « marteau têtu » qui possède une tête en forme de coin d’un côté et de l’autre une tête quadrangulaire légèrement concave. Comme on le voit également, cet outil n’est pas un petit maillet mais un lourd marteau manié à deux mains.
Ce marteau têtu est le vrai « maillet à dégrossir » du rituel Émulation. Après dégrossissage au têtu on obtient la pierre brute qui s’appelle un moellon :
Un moellon, la « pierre brute », avant sa taille « The rough ashlar »
Noter les deux parallèles qui définissent le plan de taille
Voici l’image des « rough and perfect ashlars » dans B.E. Jones [3].
Rappelons que « rough and perfect ashlar » veulent dire : « pierre rugueuse et parfaite ».
La « perfect ashlar » ou pierre parfaite est aussi dénommée « smooth ashlar » soit pierre lisse. L’anglais oppose ainsi pierre rugueuse et pierre lisse. Dans notre rituel, la pierre rugueuse (brute) s’obtient à partir du bloc informe extrait de la carrière avec un marteau têtu (voir outil n°9 dans la planche ci-dessus.)
Dans le cas, simple, de la taille d’une pierre cubique, après traçage (voir ci-dessus) on réalise une première ciselure périphérique à la massette et au ciseau :
Taille de la première ciselure au ciseau et à la massette
Sur la face entourée par les quatre ciselures périphériques on enlève la matière superflue centrale (le gras) avec un des marteaux (souvent un marteau taillant) ou au ciseau pour obtenir une première surface plane. Ensuite à l’équerre et à la règle on établit le tracé des autres faces. On remarquera que, pour vérifier l’égalité de longueur des arêtes du cube on est obligé d’utiliser un compas, ici un grand compas dit d’appareilleur, différent du compas de dessin du Maître.
Compas d’appareilleur
Ainsi s’explique la formulation du tableau de loge du premier grade où : « ..the perfect ashlar is a stone of true die or square, fit only to be tried by the square and the compass » « « la pierre parfaite est une pierre exactement cubique ou carrée propre à être seulement contrôlée par l’équerre et le compas ». On notera qu’ici, le terme obscur« die » signifie pierre en forme de cube formant piédestal ou en forme de dé (à jouer).
Donc équerre pour vérifier l’orthogonalité des faces et compas pour mesurer l’égalité des arêtes.
Ceci souligne que le choix des outils d’apprenti est tout à fait étranger aux contingences de la taille, car il y manque la massette, l’équerre et le compas, sinon le crayon.
Arrivé au terme de cette revue des méthodes de la taille de pierre, revenons à notre rituel opératif.
L’apprenti dégrossit un bloc de carrière avec un marteau têtu pour obtenir un moellon connu ici, sous le nom de pierre brute.
Il existe une certaine contradiction dans le rituel.
Les ouvrages de référence comme « Free-masons’ guide and compendium » de B. E. Jones [3], A.C.F. Jackson [4] dans son Glossary of the craft » et A. Mackey [5] dans son Encyclopedia of freemasonry donnent tous la pierre brute comme étant une pierre grossièrement cubique (voir dessin ci-dessus) alors que le rituel la décrit comme « sans forme et telle qu’elle est extraite de la carrière ».
Il y a là, sans doute une mauvaise compréhension ou interprétation des textes originaux.
Donnons-en un exemple.
Dans certains anciens manuscrits on ne parle pas de « perfect ashlar » mais de perpend ashlar ou perpend ester, perpend esler, terme venant du vieux français « aisselier » (ashlar) qui signifie poutre (du latin axilla, même sens). Un « perpend ester » ( Edinburgh register house 1696) ou un « perpend esler » est donc une pierre quadrangulaire « perpendiculaire », plus longue que large c'est-à-dire une boutisse (voir figure ci-dessous) une pierre qui traverse le mur de part en part, liant entre eux les deux parements (« a binding stone»).
B.E. Jones [3] a démontré le glissement par erreur de transcription d’un manuscrit à un autre de « perpend ashlar » à « perfect ashlar ». La pierre cubique était ainsi, à l’origine, une pierre de liaison de forme parallélépipédique comme l’est la loge (voir P.T. du premier degré). Exit la pierre cubique, elle était en fait, à l’origine parallélépipédique.
On en conclut, face à ces imprécisions, qu’au grade d’Apprenti il faut garder, sans doute, la succession : bloc de carrière (homme au premier stade de sa vie), pierre brute (Apprenti entré) pierre cubique (Apprenti ayant travaillé sur sa pierre et en état de passer).
Le ciseau (et la massette) lui a donc permis de tailler une pierre cubique qui va passer ensuite aux mains d’un ouvrier plus habile. Ce dernier peut être un compagnon appareilleur (celui qui établit les gabarits et qui pose les pierres), ou un compagnon tailleur plus expérimenté en taille complexe voire à un compagnon sculpteur. On notera qu’au plan opératif la pierre qui va être mise en forme plus complexe s’appelle un « Bloc capable ».
Signalons pour clore ce chapitre consacré aux pierres que, dans la franc-maçonnerie spéculative, nous adoptons la pierre de taille, dans deux états différents, comme symboles dans le degré d’Apprenti. La pierre brute, ou pierre dans son état grossier et impoli, est emblématique de l'homme dans son état naturel, ignorant, inculte et en proie aux vices.
Mais lorsque l'éducation (maçonnique) a exercé son influence salutaire en développant son intelligence et sa connaissance, en réfrénant ses passions et en purifiant sa vie, il est alors représenté par la pierre cubique, qui, sous les mains habiles des ouvriers, a été aplanie, mise au carré et ajustée pour prendre sa place dans la construction (de soi).
5) Les outils du meurtre :
On a vu au chapitre historique les nombreuses variations dans la description des outils ayant servi au meurtre d’Hiram Abif. Leurs descriptions actuelles, celle à laquelle on doit se référer, et à côté de la perpendiculaire et du niveau qui sortent de notre sujet, reste le « maillet pesant ».
Cet outil est fort différent du pseudo « maillet à dégrossir », outil de travail de l’apprenti, le marteau têtu, qui est aussi utilisé en format réduit par le V.M. et ses S.S. comme emblème de leur autorité. On notera à ce sujet que lors de la cérémonie de l’élévation le VM ne doit pas utiliser son propre « maillet » de V.M. pour frapper le candidat, mais bien un maillet pesant appelé pour cette raison, « maillet Hiram » ou « maillet Hiramique » [6]. Cet instrument est, on l’a vu, un maillet « Bol » ou une « mailloche » utilisé pour tailler les pierres dures avec des ciseaux « tête de champignon » mais aussi pour mettre en bonne place les pierres lors de la pose (ceci pour les pierres légères, sinon on utilise une pince ou levier).
Un maillet « Hiram »
6) En marge de ce travail, exposons, pour les curieux, quelques digressions concernant le REAA :
- A la fin de la première taille on a pu obtenir :
• un carreau (pierre plate) utilisé dans le vocabulaire du REEA. à propos du « tronc de la veuve » (A)
• une parpaigne boutisse (pierre plus longue que large traversant un mur) ou boutisse ou corbeau. (B)
• un parpaing (pierre cubique) (C)
Coupe horizontale d’un mur.
- De même, parmi les marteaux de taille, on a pu noter la présence de « haches à pierre » tel le marteau taillant double (qui est aussi la « λάβρυς, Labrys» grecque, symbole lunaire du premier et dernier quartier, autre sujet de recherche symbolique). Parfois est aussi représentée au REAA, surmontant la pierre cubique à pointe, une « hachette » sous la forme, en fait, d’un marteau composé d’une tête quadrangulaire d’un côté et d’un taillant de l’autre, nommé « têtu palard ». Et enfin le marteau taillant bretté ou laie qui possède d’un côté un tranchant rectiligne et de l’autre un tranchant dentelé.
- Quant à la pierre cubique « à pointe » elle est, dans certaines anciennes divulgations ou catéchismes anglais « a broached thurnel » [3 et 4] c'est-à-dire une tourelle taillée à la broche (voir outils). C’est finalement un pinacle. Selon le dictionnaire raisonné de l’architecture de Viollet-le-Duc : PINACLE : couronnement, finoison, comme on disait au XIVe siècle, d’un contrefort d’un point d’appui vertical, plus ou moins orné et se terminant en cône ou en pyramide (voir le célèbre Livre de la rectitude des pinacles de Mathieu Roriczer imprimé en 1486 à Ratisbonne).
7) Afin de fixer les idées, à l’issue des exposés précédents :
- Parmi les outils de travail de l’apprenti figure un marteau têtu. Ainsi on devrait lire : « Les outils de travail de l’Apprenti sont : la règle de 24 pouces, le marteau à dégrossir et le ciseau ». Cependant, une constatation s’impose, il n’y a ici aucun maillet, l’outil utilisé pour dégrossir est un marteau têtu et ceux pour aplanir la pierre un ciseau et sa massette, ici fâcheusement passée sous silence. Comme il est irréaliste de penser que l’on puisse remplacer le « maillet à dégrossir » par « marteau têtu » il serait souhaitable d’opter pour une formulation plus correcte, soit : « Un marteau à dégrossir ».
-Parmi les outils ayant servi au meurtre d’Hiram Abif. à côté de la perpendiculaire et du niveau qui sortent de notre sujet, reste le « maillet pesant ». Même si cette expression ne reflète pas exactement la réalité, on concède que, faute de mieux, elle mérite d’être conservée comme on va le voir (c’est en fait un maillet bol ou une mailloche, mots peu euphoniques).
8) Ceci exposé ...
revenons au vocabulaire utilisé dans le rituel anglais pour désigner ces outils. On l’a vu au chapitre historique, l’anglais possède de nombreux vocables pour désigner les outils que le tailleur de pierre utilise pour frapper sur la pierre.
Nous allons étudier ces vocables qui sont : « maul, gavel et beetle » et dont nous verrons la nature et la signification en anglais, ce qui nous permettra d’en donner une transcription à peu près correcte en français.
Un seul mot ne figure pas dans cette déclinaison, c’est « mallet», inconnu dans le rituel, qui est le seul à signifier de manière certaine : « maillet ».
8-1) Un des outils de travail de l’Apprenti est le « gavel ». Le mot gavel signifie marteau et common gavel on l’aura deviné est un marteau commun, il faut comprendre ici un marteau d’usage général. Fait curieux, gavel, bien que signifiant en anglais un marteau, désigne aussi le « maillet » utilisé par les juges aux E.U., mais ce même instrument, qui a pourtant l’aspect d’un « maillet », se nomme, même en français, un marteau. On dit ainsi un « marteau de président » ou un « marteau de commissaire priseur » et non un maillet.[6]
Marteau de Président
Le mot « gavel » tire son origine du haut vieil allemand « gipfel » qui signifie sommet, par analogie avec le sommet triangulaire d’une façade, en anglais « a gavel end »[5] , en français un gable, mot apparu au XIIIe siècle et issu du bas latin gabulum, altération du latin classique gabalus, «potence». En Old english ce terme désigne un marteau en forme de coin.
Le « Common gavel » est donc bien, on l’a vu, un marteau têtu.
Gables - Dictionnaire d’architecture de Viollet-le-Duc.
Marteau têtu
La signification symbolique de cet outil est double :
- Pour l’apprenti il représente, comme dit par le rituel : « …la force de la conscience qui pourrait écarter toute pensée vaine ou inconvenante….afin que nos paroles et nos actions puissent s’élever pures jusqu’au trône de la Grâce ».
Il s’agit donc ici de la conscience morale, qui, bien sûr, est la voix de notre propre âme. Les études symboliques anglo-saxonnes insistent sur cette conscience, explicitée au troisième degré comme étant, ainsi que le dit notre rituel, "la voix de la nature" et le "centre à partir duquel nous ne pouvons pas nous tromper". C'est cette voix intérieure qui est toujours prête à nous avertir quand, sans elle, nous commettrions une erreur ou lèserions autrui.
Cette manière de voir, très ancrée dans cette littérature, est assez curieuse à considérer car, parmi les philosophes du XVIIIe siècle, seul Rousseau et sa pensée naturaliste a fait de la conscience morale une vertu d’origine naturelle, antérieure à la raison. Cette conception est fort éloignée de celles des empiristes Hume et Locke qui, au XVIIIe siècle ont influencé la F.M. obédientielle naissante. Il y a là, sûrement, une voie de recherche à explorer.
Enfin, pour l’anecdote, il n’est pas inutile de mettre en correspondance le marteau têtu et la tête siège de la pensée et donc du sens moral.
- Pour les Maîtres.
Le V.M. et les SS. Portent, comme outil distinctif de leur fonction un marteau têtu en réduction. Il faut, au rituel Émulation, absolument éviter d’utiliser pour cet usage des maillets ronds.[6]
Enfin, comme dit dans le rituel d’installation ce marteau est l’emblème (et non le symbole) du pouvoir, destiné à faire régner l’ordre dans la loge.
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Note de la Rudyard Kipling Lodge (P. MRN 2023) : Nous ne soutenons pas cette affirmation du WBro. P. BUFFE, bien que son analyse et sa démonstration puisse etre juste, car cela fait partie des étrangetés de la maçonnerie moderne qui, comme on l'a déjà lu ici, sont nombreuses.
En effet, le maillet du Vénérable Maitre provient non pas du métier, mais de la mise en place de l'Eglise Presbytérienne Ecossaise, celle de James Anderson - c'est aussi la source de la mise en place générale d'une loge maçonnique, mais aussi celle de certains de ses usages comme le signe de Respect.
Le modérateur, nommé par un commité d'anciens, est élu chaque année par les membres de l'assemblée et reçoit à son installation [7] un maillet, ou plutot un marteau, qu'il va utiliser à l'occasion de ses interventions. Un marteau de type President , un maillet de pouvoir, celui de la Justice, et qui ne peut pas être un maillet de travail. Le maillet, comme la croix pectorale, est l'emblème de son office [7].
Si ce n'est plus plus toujours l'usage aujourd'hui, on le trouve encore aux USA, dans la version américaine de l'église presbytérienne : https://www.history.pcusa.org/blog/2015/10/jan-hus-gavel
Un modérateur, choisi parmi les plus expérientés, va présider une assemblée, est nommé par un comité d'anciens, puis élus par les membres, à qui l'ont remet un maillet à son installation, que l'on appelle "Right Reverend" puis "Most Reverend" plus tard ... vous y etes là ? Toute ressemblance avec ... ne serait pas que fortuite.
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8-2) Hiram Abif est tué d’un coup de « heavy maul » en plein front. Ceci est rendu en français par « maillet pesant », ce qui est fort proche de la vérité. L’étymologie de maul prend sa source dans la racine indo-européenne « mehl » qui veut dire écraser, rompre. De là on trouve malleus, le marteau en latin, puis mail en vieux français et maul, mail ou mell en Old english.
Ce mot désigne, là, indifféremment un marteau, une massette (tête en fer) ou un maillet (tête en bois).
Rappelons, ici, que le mot maillet est un diminutif du vieux français mail qui signifie, on vient de le voir : marteau.
Dans certains MS anciens (Old charges) le « heavy maul » est remplacé ou suivi par le terme « setting beetle ». Beetle vient du vieux saxon « bietel » qui a donné en old english : « beetle » ou « betel » lui même venant du verbe « beatan » qui veut dire battre (to beat). Un beetle est un lourd maillet en bois destiné à frapper un ciseau ou à mettre les pierres taillées en bonne place. Cette dualité est reflétée par les termes « setting mau »l ou « setting beetle », « setting » pouvant être entendu comme : mettant en forme ou mettant en place.
Si le « beetle » est sûrement en bois, le « maul » peut introduire quelque doute. En anglo-américain un « maul » désigne une massette métallique et un « mallet » désigne un maillet en bois. En anglais la distinction est moins tranchée et les dictionnaires les plus réputés se contredisent souvent, hélas. Il convient donc de trancher, ici, à la lumière de la référence biblique :
1 Rois 6:7
« Lorsqu'on bâtit la maison (Le temple du roi S.), on se servit de pierres toutes taillées, et ni marteau, ni hache, ni aucun instrument de fer, ne furent entendus dans la maison pendant qu'on la construisait ».
Hiram Abif ne saurait donc avoir été tué ni par une massette ni par un marteau métalliques (cf. supra, ne pas utiliser le têtu du V.M. ni un maillet rond lors de l’explication du meurtre d’H.A.) [6] et donc, force est de convenir que c’est bien un maillet pesant en bois qui est l’instrument de son trépas. Voir ci-dessus le « maillet bol ou maillet Hiram » et la « mailloche ».
Cet outil de travail est donc l’emblème de la mort violente dans la dignité. On retrouve, d’ailleurs, dans la bible une énigmatique notation :
King James Bible - Proverbes XXV, 18.
A man that beareth false witness against his neighbour is a maul, and a sword, and a sharp arrow.
Un homme qui rend un faux témoignage contre son prochain est un marteau (« Pattiysh » en Hébreu) et une épée et une flèche aiguë.
Ceci signifie qu’être un faux témoin contre quelqu’un d’innocent, c’est posséder contre lui toutes les armes d’attaque (trois), tandis qu’il n’a rien pour se défendre, ce qui est bien le cas de notre Maître Hiram Abif.
Pour conclure :
On pourra éprouver une certaine frustration, à l’issue de la lecture ce travail de ne pas y avoir trouvé une vaste étude symbolique appuyée sur des sources autorisées et illustrée par des passages bibliques significatifs.
Cependant le thème choisi ici est l’un des morceaux de notre rituel le plus étroitement corrélé aux sources opératives de celui-ci, se référant en particulier aux aspects les plus élémentaires du métier de tailleur de pierre, loin de la géométrie sacrée des maîtres concepteurs et des savants arrangements des compagnons tailleurs ou appareilleurs.
Espérons cependant que ce quelques lignes auront permis aux maçons spéculatifs que nous sommes de mieux concevoir sous son aspect opératif la simple taille d’une pierre cubique, qui, au plan symbolique peut remplir bien des livres puisque c’est l’œuvre d’une vie entière de Maçon.
avec l'aimable autorisation du W.B. Patrick C. BUFFE, Meridian 4106-UGLE, London, UK. 2020.
Références :
[1] VARENE Pierre : La taille de la pierre. Les dossiers de l’archéologie, Nov.-Déc. 1977 N° 24, 34-43.
[2]Masse, massette et maillet : https:\\pierres-info.fr\masses_massettes_maillets\index.html
[3] Bernard E.Jones: Freemasons’ guide and compendium Edited by J. Heron Lepper, 1956 .
[4] Glossary of the Craft & Holy Arch Rituals of Freemasonry. A. C. F. Jackson. Edited par Ian Allen Publishing (2008)
[5] A. Mackey: Encyclopedia of Freemasonry, Vol. I (1873) & Vol. II (1878)
[6] A Masonic lodge of education: The common gavel. https:\\www.masonic-lodge-of-education.com\masonic-gavel.html
[7] Installation of a Moderator : "If a symbol of office such as a pectoral cross or gavel is to be presented, the presentation may take place immediately after the declaration."