Rudyard Kipling
05 Mai 2023

B.A.Ba de Maçonnerie à l'usage des maçons apprenants, Part II

Alors on m’a demandé de faire une précision sur ce titre, comme je l’ai fait lors des précédentes agapes où j’ai effectivement précisé qu’il s’agissait là d’un trait d’humour.

Effectivement, nous ne restons pas des apprentis !

La Maçonnerie est une société hiérarchisée, composée de multiples grades et un compagnon n’est pas un apprenti, un maitre n’est pas un compagnon et le Vénérable Maitre, c’est-à-dire le Roi Salomon serait-il un apprenti ? Non !

Non, nous ne sommes pas des apprentis !

On peut cependant être des éternels apprenants bien évidement. Nous sommes des éternels apprenants, nous sommes là pour apprendre, mais pas des éternels apprentis.

Nous avons tous un devoir à remplir et selon le grade que les frères ont bien voulu nous confier et bien nous devons répondre à ce devoir.

Donc le terme d’éternels apprentis n’est qu’une petite boutade sur le fait que l’on entend ça souvent un peu partout et où l’on dit que nous sommes des éternels apprentis.

Je dis non, nous ne sommes pas des éternels apprentis, nous sommes des éternels apprenants.

Lors de la première partie de ce B.A.ba, à l’usage des apprentis, parce que c’est tourné vers les apprentis, nous avons essayé avec un maximum de concision de faire un résumé d’histoire et de géographie, d’Histoire maçonnique et de Géographie dans la mesure où nous avons visité l’ensemble des pays maçonniques les plus importants et puis nous avons essayé de regarder ce qu’il s’était passé aussi en France et qu’elles étaient les obédiences en France.

Aujourd’hui, nous allons essayer d’aborder et de donner un aperçu de ce que sont les grades, les rites - qui est un gros morceau - et puis nous rentrerons un peu dans la loge à nouveau pour essayer de voir comment s’articule cette loge et ses officiers, ses symboles, la tenue par elle- même.

Nous essayerons de donner, si nous le pouvons, à la fin quelques petits conseils pratiques à l’usage direct des apprentis sur des questions qu’ils se posent souvent, qui peuvent être des questions de détails, mais qui sont souvent important à connaitre.

Alors pour commencer je reviendrais sur les grades pour dire que la maçonnerie est composée de trois grades, et de trois grades seulement et ce même si d’autres grades peuvent exister par ailleurs. Mais la Maçonnerie que l’on appelle bleue, que les anglais appellent « the craft », c’est-à- dire le métier, c’est essentiellement trois grades : apprenti entré, compagnon du métier et maitre maçon.

Même si il n’en a pas toujours été ainsi. Le grade de maitre n’étant apparu que dans les années 1730, toutefois selon les endroits, la structuration n’était pas nécessairement exactement la même à chaque fois.

Il faut noter que dans ce triptyque qui a l’air tout à fait fondateur, du fait qu’il y ait trois grades, ce n’est pas aussi évident que cela. Ce qui est important en fait est souvent omis, et souvent peu compris, c’est le terme de entré dans « apprenti entré ».

Pourquoi ?

Parce que ce terme insiste bien sur une différence qu’il y a entre un simple apprenti et un apprenti entré.

Dans l’Ecosse du 17e siècle, mais même du 16e siècle, qui sont à l’origine de ce que nous pratiquons, il y avait en fait - et David Stevenson l’a démontré - une double structure dans l’organisation du métier.

J’en ai déjà parlé et vous le retrouverez dans pas mal de nos publications sur le site.

Une première structure qui était une structure extérieure sous forme d’Incorporation, où l’on pouvait être apprenti, et une deuxième structure qui était la loge, qui était une structure intérieure et pas du tout communiquée à l’extérieur. C’est dans celle-ci où l’on entrait justement dans la loge. Et si on était apprenti entré, cela voulait dire que l’on était entré dans la loge, c’est-à-dire dans cette structure interne de la Maçonnerie, et non pas externe, et on pouvait tout à fait être apprenti sans être apprenti entré.

Voilà pourquoi on précisait cette chose qui faisait la différence entre l’apprenti et l’apprenti entré.

Alors, il existe au-delà des grades de compagnon et de maitre, je ne rentrerais pas sur le grade de maitre, vous trouverez d’autres conférences sur le sujet, on en a parlé à plusieurs reprises - voir notre conférence sur les « Side Degrees » de la Maçonnerie anglaise par exemple - et on en reparlera, mais pour vous dire qu’au-delà de ces trois grades nous trouvons d’autres grades qui sont appelé dans la maçonnerie anglo-saxonne « side degrees », c’est-à-dire des grades « à côté », complémentaires, et dans la Maçonnerie française et continentale, des « Hauts-Grades » que nous trouvons aujourd’hui superbement empilé dans des systèmes très construits. Au REAA par exemple vous avez 33 grades, ce qui est très bien construit, à Memphis Misraim vous pouvez en avoir 99, même dans ce qui est la Maçonnerie anglo-saxonne vous avez des mises en place très construites où on vous demande d’être passé par tel grade avant d’aller à tel grade, etc ..

Mais il faut savoir que tous ces grades sont en fait pour la plupart nés au 18 e et au 19 e siècle et ils n’étaient pas du tout empilés ou mis en place dans un système. D’ailleurs quand nous parlerons du Rite Ecossais Ancien et Accepté, on prendra un petit moment pour expliquer la genèse de tout cela parce que c’est vraiment très révélateur et que cela montre bien comment on a pu, à partir de grades complémentaires, faire des systèmes complets.

Alors nous allons pour commencer parler des différents rites qui existent.

Les rites ce sont en fait la manière de pratiquer la Maçonnerie. Il existe plusieurs façons de la pratiquer et ces façons proviennent de Traditions différentes, de développements qui ont pu être différents et d’histoire qui ont pu être différentes.

Je vais essayer rapidement de vous donner quelques éléments sur les principaux rites qui existent en France, des rites que vous allez pouvoir côtoyer à un moment, histoire de le remettre dans un contexte général. J’espère que vous avez bien intégré la première partie de ce B.A.ba car tout cela est souché sur l’Histoire de la Maçonnerie et cela ne peut pas être dégagé de leur histoire.
 
Nous allons commencer par le premier des rites français, c’est-à-dire le Rite Français lui-même, aussi appelé Rite Français Moderne.

Le Rite Français

Alors si on l’appelle Rite Français Moderne, ce n’est pas parce que il est moderne... c’est-à-dire dans le vent ou quelque chose comme ça... Non, c’est le Rite Français Moderne parce qu’en fait il fait partie de la Tradition des Modernes.

Vous le savez déjà maintenant, il y a eu à un moment donné deux Grandes Loges concurrentes en Angleterre, une qui s’est revendiquée ancienne en qui a pris le label « Ancien » et qui a collé à l’autre Grande Loge qui existait à côté d’elle, et qui pourtant s’était formé avant, le label de « Moderne », parce que à l’époque être moderne, c’était pas nécessairement la meilleur des choses, alors qu’être ancien c’était la meilleur des choses. Comme quoi les choses peuvent changer et donc tout cela a amené à des types de pratiques différentes.

« Moderne », c’est-à-dire du type de ce que pratiquait la première Grande Loge en Angleterre, celle de 1717 et à sa suite, et « Ancienne », c’est-à-dire celle qui est la Tradition de la Grande Loge des Anciens, c’est-à-dire qui est devenue concurrente de la Grande loge des Modernes. Deux Grandes Loges qui se sont réunis en 1813 comme vous le savez.

Donc ce Rite Français, provient d’une Tradition moderne, et ceci est très intéressant parce que justement la France n’a pas connu cette lutte intestine qu’il y a pu avoir en Angleterre pendant tout le 18e siècle et qui aboutit à cette réunion du début du 19e pour former la Grande Loge Unie d’Angleterre. En conséquence, quand la Maçonnerie est arrivée en France, elle a donc germée dans un terrain de type Moderne.

Ce qui est intéressant c’est que même en Angleterre toute la Tradition Moderne n’existe plus puisque aujourd’hui ils pratiquent une maçonnerie de type anglaise où les Anciens ont gagné au niveau de la mise en place.

Donc si les anglais eux même veulent revoir le type de maçonnerie qui était pratiqué par la première Grande Loge - c’est ainsi que les anglais disent « Premier Grand Lodge » - et bien il faudrait qu’ils viennent voir ce qu’est le Rite Français.

D’ailleurs, beaucoup d’Historiens nous consultent régulièrement pour avoir des informations là- dessus car justement cela leur permet de mieux comprendre leur histoire qui, quelque part, s’est perdu un peu.

Alors, ce Rite Français, a connu malgré tout une histoire assez mouvementée. Si effectivement il a pu être assez proche de ce qui se faisait au début XVIIIe en Angleterre, il a quand même connu des révisions très importantes notamment après 1877.

Vous savez que c’est à ce moment où le Grand Orient de France n’a plus imposé le  Grand Architecte de l’Univers, il y a eu cette espèce de chasse dans le Rite Français à tout ce qui pouvait être de connotation religieuse. Et c’est ce que l’on pourrait appeler une « grande boucherie » jusqu’au fait que l’on ne reconnaisse plus rien de ce qui faisait le Rite Français.
 
Il a fallu attendre Arthur Groussier, Grand maitre du Grand Orient de France, pour qu’il décide que trop c’était trop, c’est-à-dire qu’à la fin on n’y reconnaissait plus rien, et qu’il travaille pour redonner à ce rite l’âme qu’il avait autrefois. Il y a eu donc un véritable travail de fait, mais il faudra attendre le travail de notre frère René Guily - bien connu ici - qui a réellement travaillé sur ce Rite Français, qui a retrouvé toutes les sources de ce Rite Français et qui avec ces éléments a recomposé le Rite Français Traditionnel tel qu’il pouvait l’être, en l’enrichissant des matériaux qu’il a pu retrouver, puis de ses continuateurs, Roger Girard, Edmond Mazet, et autres Thomas, Frederick Tristan, etc ... qui ont beaucoup travaillé pour que le Rite Français retrouve des couleurs plus traditionnelles.

Ce Rite Français est organisé en trois grades bleus - apprenti, compagnon, maitre - et débouche ensuite sur un système en 5 Ordres, puisque telle est la mise en place.

•    1er ordre : l’Elu Secret,
•    2e ordre Grand Elu Ecossais,
•    3e ordre Chevalier d’Orient
•    4e ordre Chevalier de l’Aigle, Parfait maçon libre sous le nom de Rose Croix ou Souverain Prince Rose Croix

Pour le 5e ordre, il y a en fait plusieurs et c’est là toute la complexité de tout cela. Il y a forcément des organes directeurs de ces ordres qui sont différents et qui proviennent d’obédiences différentes et qui pratiquent tout cela d’une manière encore différente. Tout cela est assez similaire sur les trois premiers Ordres, un peu différent sur le quatrième, et alors totalement différent sur le cinquième. Il faut donc savoir qu’il y a 84 propositions différentes pour ce qui est du cinquième ordre.

Voilà très brièvement résumé ce Rite Français qui a une importance très grande dans notre pays.

Rite Ecossais Ancien et Accepté.

Le Rite Ecossais Ancien et Accepté, ou REAA, est de très loin le rite le plus pratiqué en France. Il n’est pas stupide de penser qu’en France il y a 60 à 70% de maçons REAA.

C’est un rite qui est très pratiqué en France, mais qui dans le monde n’est absolument pas pratiqué au niveau des trois premiers grades.

Le système est complètement différent et les trois premiers grades sont très pratiqués en France et dans quelques pays qui étaient sous influence française. Ils ne sont absolument pas pratiqués dans aucun pays anglo-saxons ni aux Etats-Unis, sauf assez récemment où j’ai moi-même donné quelques rituels de Scottish Rite à des frères qui s’amusent à y travailler.

Par contre au niveau des Hauts Grades, ce sont des rites qui sont très pratiqués dans le monde parce que, il faut savoir qu’à la base, le REAA est avant tout un système de Hauts Grades.

C’est un système de Haut Grades de type Ancien. PAS MODERNE PLUTOT ?

Pour essayer de comprendre comment est positionné le REAA entre les Anciens et les Modernes,
 
c’est assez complexe parce qu’au départ, au niveau des Hauts Grades, c’est plutôt un système de type Moderne. La création de tous ces Hauts Grades se situe avant 1813, il s’agit donc réellement d’une Tradition de type Moderne.

Mais quand le REAA va se détacher du Grand Orient de France, il va donc devoir adopter 3 grades bleus.

Pendant un temps, ils vont utiliser des rituels de type Moderne, mais très vite, ils vont passer à un rituel composé sur mesure et qui est un rituel ouvertement et volontairement, de manière affichée pour justement faire la différence, de type Ancien.

Malgré tout, ce rituel de type Ancien va progressivement au contact du Rite Français, avec lequel il va évoluer, être complètement influencé par celui-ci. Il faut remarquer cependant que les influences du REAA vont aussi agir sur le Rite français.

Aujourd’hui on peut effectivement dire que le REAA est un rite de type Ancien, mais pour lequel les influences Modernes sont aussi très importantes.

Alors bien évidemment, je le précise, le REAA n’a rien d’écossais.

Il est pas du tout écossais, il n’a rien à voir avec l’Ecosse, il est simplement dans un mouvement d’écossisme. Parce que cela serait assez difficile de rentrer dans les détails, disons que tout ce qui était écossais était très traditionnel, c’est assez véridique et on s’en rend compte aujourd’hui avec les recherches que l’on peut avoir, cependant les compositions de ces grades sont typiquement française pour la plupart et n’ont rien d’écossais.

Alors nous devons prendre un petit moment pour raconter assez brièvement l’Histoire de ce Rite Ecossais Ancien et Accepté, parce qu’il est très révélateur de ce qu’a pu être la maçonnerie dans les siècles derniers et comment tous les systèmes que nous considérons et que nous voyons aujourd’hui complètement figé, ont pu se créer, ont pu évoluer, et s’interpénétrer les uns les autres. L’exemple du REAA est vraiment très révélateur.

En 1761, un négociant français du nom d’Etienne Morin, qui est né dans la région de Cahors, reçoit une patente signée des officiers de la Grande Loge qui le nomme Grand Inspecteur pour toutes les parties du monde.

Cependant, il semblerait que cette patente ait été un peu arrangée par Etienne Morin car au départ elle était un peu plus dirigée vers les Grades bleu, mais il l’aurait un peu augmenté, dirons- nous, pour pouvoir gérer d’autres Grades.

On ne sait pas quand Etienne Morin a été initié, mais ce qui est assez amusant c’est que les premières traces que l’on a en Maçonnerie d’Etienne Morin c’est quand en 1744 il passe à Antigua, dans les iles d’Antigua. Il lui est décerné le Grade de ce que l’on appelle à l’époque le Grade de la Voute Royale. C’est en fait aujourd’hui ce qui constitue le 13e et 14e Grade du REAA et qui a un lien de cousinage direct avec l’Arche Royale que nous connaissons, même si les mises en place peuvent être différentes, et bien quand on regarde il y a des correspondances de légendes, de mots qui existe et qui sont réelles.

Donc notre Etienne Morin part à Saint Domingue en 1762 ou 1763 on ne sait pas trop, et grâce à sa patente il constitue là-bas dans les Iles des Antilles, et même jusqu’en Amérique du Nord, des loges de tout type. Il a développé un système en 25 degrés dont le plus haut se nommait Sublime Prince du Royal Secret, qui est aujourd’hui le 32e degré du REAA.

Puis, il va constituer des loges un petit peu partout dans les Antilles et aux Etats-Unis. Il va nommer un hollandais, naturalisé anglais, qui s’appelle Henry Andrew Franken, Député Grand Inspecteur Général. Et c’est ce Franken qui va installer à New York pour la première fois en 1767 une loge de perfection à Albany (New York). C’est la première fois où pénètre de manière constituée une loge de perfection aux Etats-Unis, dans ce qui était constitué par les 13 états de l’époque.

Ce Franken communique ces degrés à un homme d’affaire américain qui s’appelle Moses Michaël Hays et qui va nommer à son tour 8 autres Inspecteurs Généraux Adjoint, dont un frère qui s’appelle Isaac da Costa qui établit une Sublime Grande Loge de Perfection à Charleston (Caroline du Sud) en 1783. Et là cela devient important parce que c’est justement à Charleston que va se constituer le premier Suprême Conseil en 1801 du REAA, et cette fois ci en incluent 30 grades au lieu des 25 initiaux. Et c’est de ce Supreme Conseil de Charleston que vont être issus l’ensemble des Suprêmes Conseils du monde.

Les fondateurs ce sont eux et c’est là que cela se passe !

Ce qui est amusant, c’est que va voyager à Charleston un frère français du Grand Orient de France qui s’appelle Grasse-Tilly, et qui va revenir en France avec l’ensemble de ces grades. Il va constituer en France le premier Suprême Conseil de France.

La boucle est bouclée ...

Ces grades, qui étaient en fait français pour la plupart à l’origine, sont passés par les Antilles puis par New York et les Etats-Unis. Ils sont allés jusqu’à Charleston en Caroline du sud et ils nous sont revenu en France, un peu modifiés, mais mis en place d’une manière un peu différente.

Ceci s’est passé pour le REAA et on en a les traces assez sures, mais cela s’est passé pour plein d’autres grades maçonniques, qui ont connus des allers retours du même type. Ceci est intéressant dans la mesure où cela nous permet de comprendre comment certains mélanges ont pu être opérés et comment des systèmes peuvent aussi être crée.

Pour l’anecdote, j’ai envoyé au Grand Orient de France un frère américain, un 33e américain qui voulait à tout prix participer à une tenue du REAA au Grand Orient de France. Alors je lui demande pourquoi ? Je lui fais état des différences avec ses propres Tradition. Il me répond Non, c’est notre mère, parce que tout viens de là ! C’est étonnant ... mais il n’a pas totalement tord car il est vrai qu’il y a d’incroyables cousinages qui peuvent apparaitre.

Il faut maintenant savoir qu’il n’y a quasiment aucun Suprême Conseil qui pratique dans leur totalité ces 30 grades du REAA. La plupart du temps ne sont pratiqués que les 4e, 14e, 18e qui est le Prince Chevalier Rose+Croix, le 30e Chevalier Kaddosh et puis les trois derniers qui sont des grades dit administratifs, Grand Inspecteur Inquisiteur, Sublime Prince du Royal Secret et Souverain Grand Inspecteur Général pour le 33e.

J’ai essayé de vous résumer ici un rite qui est d’une grande complexité. J’espère que vous en aurez retenu quelque chose et vais passer maintenant à u autre rite important en France qui est le Régime Ecossais Rectifié, qui lui aussi n’a rien à voir avec l’Ecosse, ce n’est absolument pas écossais mais il se situe toujours dans une mouvance d’écossisme qui lui a donné son nom.

Le Régime Ecossais Rectifié

Je précise que nous parlons de Régime Ecossais Rectifié (RER), et non pas de Rite, dans la mesure où le RER est un système qui ne peut pas être conçu sans les grades qui vont au-dessus.

C’est-à-dire que le RER est un rite maçonnique et chevaleresque. Ce n’est pas que maçonnique.

Il s’est structuré en quatre grades maçonniques, apprenti compagnon maitre, plus Maitre Ecossais de Saint André. Puis, un grade chevaleresque, celui Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte, qui est assorti d’une période probatoire d’écuyer-novice et qui forme l’Ordre Intérieur.

On ne peut pas séparer l’un de l’autre.

D’ailleurs les loges bleues obéissent à l’Ordre Intérieur et même si elle se situe à l’intérieur d’une obédience, elles obéissent d’abord à l’Ordre Intérieur et ensuite à l’obédience.

C’est très important à savoir !

Ce rite est né en 1778 à Lyon, donc en France, à l’occasion du Convent des Gaulles. On trouve son origine dans un rite allemand qui est dit de la Stricte Observance Templière.

C’est un rite qui est ouvertement chrétien dont les rituels ont été principalement écrit par Jean Baptiste Willermoz, inspiré par le fameux Louis Claude de Saint Martin et j’allais dire le
« fumeux » Martinez de Pasqually. Je me permets de dire ça car je vous engage le jour où vous aurez un petit peu de temps à lire le « Traité de réintégration des êtres » de Martinez de Pasqually, j’avoue avoir fait l’exercice de le lire en entier... on en ressort pas indemne !

Ce qui est intéressant à savoir, on l’oublie souvent et la conclusion est absolument étonnante, c’est que le RER est arrivé en 1778 mais il a disparu juste après la révolution. Il n’a pas persisté très longtemps. Seul a persisté le Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie, c’est-à-dire en Suisse, où le rite a pu se perpétuer. Mais en France, il a été totalement éteint.

Il a fallu attendre 1910 pour que le Rite renaisse en France, aidé justement par le Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie. Et alors ce qui est intéressant c’est que les Suisse vont venir en France et ils vont installer pour la première fois, en France, une loge du Régime Ecossais Rectifié.

Et alors comment s’appelait cette loge ? Et bien il s’agit de la loge « le Centre des Amis » ...

C’est cette même loge qui 2-3 ans plus tard va quitter le Grand Orient de France, où elle a été installée par les Suisses, pour devenir, et à elle toute seule, la Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies.

C’est donc cette loge-là, un peu remise en cause par l’aspect chrétien qu’elle pouvait avoir au sein du Grand Orient de France, qui deviendra la Grande Loge nationale Française d’aujourd’hui.

Les Rites Egyptiens

Alors, il me faut vous parler des Rites Egyptiens de Memphis, des Rites Egyptiens de Misraim et des Rites Egyptiens de Memphis et de Misraim.

L’Histoire de ces Rites est d’une immense complexité. C’est en plus un sujet extrêmement délicat puisque ces Rites sont représentés en France par une multitude de Grandes Loges et d’organes différents suite à d’importants différents à la fin du siècle dernier.

Ce sont des Rites très intéressants, mais je dois avouer qu’il faudrait beaucoup de temps pour pouvoir traiter ce sujet puisqu’il forme quasiment un sujet dans le sujet.

Ceci nous donnera l’occasion un jour d’une conférence spécifique sur ces rites égyptiens.

Dans tous les cas, c’est une maçonnerie dont on trouve effectivement trace depuis la deuxième moitié du XVIIIe siècle, c’est-à-dire de manière assez précoce et dont l’un des plus fameux propagateurs est Giuseppe Balsamo, Joseph Balsamo dit le conte de Cagliostro.

Les Hauts Grades de ces rites égyptiens sont issu pour la plupart, en tout cas pour les 33 premiers grades et pour à peu près tout le monde, car il y a toujours des exceptions, des 33 premiers grades de l’écossisme. Et puis sont rajoutés un certain nombre de grades qui vont jusqu’à 99, mais dont ne sont surtout pratiqués que le 66e Patriarche Grand Consécrateur, le 90e Patriarche Sublime Maitre du Grand Œuvre et puis le 95, 96, 97, 98 qui est le Grand Maitre International et le 99 qui est le Grand Hiérophante.

Remarque du frère Dominique P. : Tu as parlé du 66e Patriarche Grand Consécrateur, mais il faut savoir que les frères peuvent être au 95e et peuvent ne pas avoir le 66e. Celui-ci est donné extérieurement.

Ce sont en effet des rites qui peuvent avoir des mises en place parfois particulières.

Voilà c'est pour ça que je vais en rester là, réservant le détail de tout ceci pour plus tard car c’est vraiment très complexe, et continuer sur le rite dont on peut dire qu’il est le plus pratiqué au monde, c’est à dire le rite d'York.

Le Rite d'York.

Effectivement, le Rite York est un rite dont on peut dire certainement que c'est le rite le plus pratiqué au monde dans la mesure où c'est le rite des américains, et que les américains, c'est quand même un million et demie de Maçons. C'est donc forcément le rite le plus pratiqué au monde. Ce n'est par contre pas le plus répandu, mais c'est certainement le plus pratiqué.

Il faut quand même dire que parler de rite d'York pour les trois premiers grades est un abus de langage. En effet on parle de rite d'York pour les grades qui sont au-delà. Aux États-Unis on a les loges bleues, avec trois grades, ensuite on a le choix entre deux systèmes que sont : soit le Scottish Rite, Rite Écossais Ancien et Accepté dans sa forme américaine, ou le York Rite qui est en fait beaucoup plus proche de la tradition anglaise. Malgré tout cette dénomination a pris en France, ça fait depuis quelques années que ce rite nous est venu et qu’on l'appelle de cette manière-là.

Le rite qui nous est venu est en fait essentiellement de celui que l’on appelle le Nova Scotia. C'est à dire une manière, un working américain. Il faut savoir qu'aux États-Unis, même si ce qui est pratiqué est quand même assez similaire, hormis quelques spécificités notamment au Massachusetts, tout ça est quand même assez similaire. Il y a cependant des différences qui peuvent être assez importantes, mais le rite que l'on pratique aujourd'hui en France est plus précisément ce rite de Nova Scotia.

Le Rite d’York est un rite de type Ancien. En effet, alors que les premières loges qui ont été créés aux États-Unis étaient plutôt des loges de type Moderne.

Ce sont les anglais, arrivés là-bas, qui ont commencé à créer des loges. D’ailleurs beaucoup de loges de Prince Hall qui sont très anciennes ont encore beaucoup de connotation de type Moderne, mais petit à petit aux Etats-Unis, surtout par les apports des immigrés irlandais qui ont beaucoup fait pour les rites plus anciens, ont fait qu’aujourd'hui les américains ont plutôt un rite de type Ancien que de type Moderne.

C'est intéressant pour nous car cela nous permet de voir un rite qui est réellement de type Ancien, et pour celui qui veut voyager en France peut bénéficier de cette grande chance que nous avons, en France de pouvoir assister à des tenues aussi bien de type Moderne que de type Anciennes, ou encore de type Anciennes anglaises, et ça c'est très enrichissant !

Alors bien sûr, le York dont nous parlons n'a rien à voir avec les constitutions d'York de 926 sous le règne d’Athelstane, et n'a rien à voir non plus avec la Grande Loge d'York, appelée Grande Loge de toute l'Angleterre, qui a existé de 1725 jusqu'en 1792.

Je vous recommande d'aller assister un jour à une tenue du rite d'York. C'est vraiment très intéressant. Ce rite évolue dans quelque chose de très chrétien, la présence de Dieu est importante. C'est aussi un rite qui est très communautariste, tel que le sont les américains.

Quelques loges d'York qui pratiquent ce rite en France essaient de redonner un peu de cette même ambiance en faisant que les Frères soient beaucoup plus proches. Les américains font des barbecues toutes les semaines, se voient très régulièrement, c'est vraiment ça la Maçonnerie américaine ! Quelques loges en France ont essayé de faire dans la même mise en place avec un certain bonheur et je trouve ça vraiment intéressant.

Le Standard d’Écosse.

Je vais passer au rite de notre Frères Éric, que vous voyez souvent ici avec ses décors écossais, qui est le Standard d’Écosse, un cousin d’Émulation, cousin très proche. Il y-a quelques petites différences notamment la façon de rappeler le signe, le serment lors du signe, plein de petites choses comme ça, cependant la proximité est forte avec Émulation que nous verrons juste après.

Les français ont choisi des décors qui reprennent les tartans des stewards. C'est quelque chose de typiquement français parce que en Écosse les décors ne sont pas du tout comme ça, les tabliers sont les mêmes au niveau de la conception mais il n'y a pas de tartans, ils sont soit verts soit bleus pour la plupart. Quelques loges ont des tartans, parce qu’elles datent de très longtemps, mais la plupart ne sont pas comme ça, donc le tartan que l'on voit et qui « fait Écossais » pour nous donne des décors assez originaux et une ambiance détendue assez agréable. Je vous invite à visiter ce rite qui est très proche du notre.

Le Rite Anglais de style Émulation, mal nommé "Rite Emulation"

Pour finir, je vais quand même parler en quelques mots du rite qui nous occupe le plus, qui est Émulation.

Je vous rappelle que vous avez un excellent article, qui a été repris de multiples fois un peu partout, sans même demander notre autorisation, sur le rite Émulation que vous trouverez sur le site, qui est le Rite anglais style Émulation.

On dit Style Émulation parce qu’il est important de concevoir qu'il existe plusieurs rites anglais.

Effectivement les différences ne sont pas énormes, mais Émulation n'est pas un monolithe. Je connais un Frères ici présent qui pratique un rite anglais qui s'appelle Taylor. Dans sa manière de faire c'est très proche, mais il y a plein de petites différences, ici et là. Il existe le Taylor, mais il existe aussi le Sussex, l'Oxford, le Stability, le West Hand, l'Universal et j'en oublie encore puisqu’il en existe une soixantaine. C’est ce que les anglais appellent des Working, qui ont toutes leurs spécificités et qui proviennent de traditions différentes.

Je tiens à préciser que la Grande Loge Unie d’Angleterre (GLUA) n'a jamais publié de rituel officiel. Elle ne va jamais publier un rituel pour la simple raison qu'il est marqué qu'il ne faut pas l’écrire et qu'elle respecte les différentes manières de faire qui peuvent exister.

En fait - vous reviendrez en arrière dans le texte pour voir comment ça s'est passé dans l'Histoire que nous avons donné de la Maçonnerie en Angleterre - juste après l'union en 1813 il a fallu trouver un rituel qui soit commun aux Anciens et aux Modernes. Ça ne s'est pas fait simplement et facilement ! Mais après beaucoup de travail ils sont arrivés à trouver quelque chose qui satisfasse tout le monde, parfois en tirant peut-être un peu par les cheveux un certain nombre de choses, mais ils sont arrivés à trouver quelque chose ! Ils ont donc créé entre 1813 et 1816 une loge de réconciliation qui était composée à parité de frères Anciens et Modernes, qui ont du finaliser le rituel commun. Cette loge avait comme but de finaliser ce rituel et d'en faire la démonstration. Et en 1816, quand elle a cessé ses activités, elle a chargé des loges d'instruire et de prendre le relais pour diffuser ce rituel auprès des Frères.

La première de ces loges fut Stability, qui existe toujours aujourd'hui, et qui a donné son propre working, son propre style, et ce dès 1817.

Il faudra attendre 1823, c'est à dire six ans, pour que sous l'impulsion des Grands Stewards, qui sont des personnages très importants en Angleterre mais j'aurais l'occasion d'y revenir un autre jour, soit créé ce qui est encore de nos jours l'Emulation Lodge of Improvement (ELOI), qui diffusera ce rituel qui deviendra LE rituel principal de référence aujourd'hui.

Ce Working est toujours délivré par cette même Emulation Lodge of Improvement tous les vendredis à 18H15 à Free-Mason Hall. Elle n'est ouvert qu'aux Maîtres, poursuit son œuvre d'instruction, et c'est toujours fait de la même manière. C'est à dire qu'on a une démonstration d'une cérémonie par cœur, puis ça alterne. A chaque fois c'est différent. Ensuite de ça on a une seconde moitié avec une partie des instructions, les lectures, qui sont travaillées par cœur.

Ce rite Émulation, s’il n'est pas le plus pratiqué - il en est pas loin après le pseudo rite d'York que je préfère appeler rite Américain -, est en tous les cas le plus répandu à travers le monde.
 
Des loges Émulation, on en trouve absolument sur toute la surface de la Terre, rares sont les pays à ne pas avoir au moins quelques loges Émulation. Les loges Émulation sont bien entendu présentes dans tous les pays anglo-saxons, Australie, Nouvelle-Zélande...etc, mais pas seulement ! Il n'existe quasiment pas de pays où il n'y ait pas au moins une loge Émulation.

A chaque fois que vous entendrez parler ici et là d’Émulation, vous aurez quelqu’un pour vous parler du concept d'oralité dans Émulation ! Qui ne l’a pas entendu ? Oralité parce qu’à Émulation on apprend par cœur et donc de ce fait l'oralité est importante.

Je dis que c'est une grande foutaise !

Il n'y a pas de concept d'oralité à Émulation, il s’agit là d’une compréhension erronée. Simplement, les anglais ont perpétué une tradition anglaise qui est d'apprendre par cœur le rituel.

Avant il n'y avait pas de rituel, donc on l'apprenait par cœur et on a continué de l'apprendre par cœur. Notez que normalement tout le monde a juré on ne l’écrivait pas. Il est donc normal de l'apprendre par cœur !

L'oralité n'est pas spécifique à Émulation, par contre la gestuelle oui !

Effectivement la gestuelle est beaucoup plus une spécificité Émulation, où tout doit être réglé au cordeau. Donc justement, si on apprend par cœur le rituel c'est aussi pour se dégager de tout cela, être libéré du texte. En effet, il est quand même difficile d'arriver à certains moments à faire un certain nombre de gestes si on a un cahier dans une main et la canne du Diacre dans l'autre...

Comment faire ?

Donc effectivement la spécificité d’Émulation, c'est bien plus dans l'importance donnée à la gestuelle que dans celui du texte. En effet, Émulation est un rite dont j'ai personnellement l'habitude de dire qu'il ressemble à des arts martiaux, avec une répétition sans cesse des mêmes katas, c'est à dire des mêmes mouvements, des mêmes enchaînements.

Émulation ne vous propose pas de vous asseoir et de travailler sur le symbolisme de l’Équerre, puis de savoir ce qu'en pense les Inuits ou les Aborigènes d'Australie. Non ! Émulation ne vous propose pas du tout ce genre de chose là. Émulation vous propose d’ÊTRE une Équerre. Si vous voulez savoir ce qu'est une Équerre, Émulation vous propose d'être vraiment une Équerre et quand vous faites votre signe, de sentir ce qu'est vraiment une Équerre, de sentir vraiment ce que c'est que d’être à l'aplomb. Faites votre signe le mieux possible, simplement, et le fait de faire votre signe vous apportera, vous fera sentir, ce qu'est une Équerre.

En fait contrairement à ce que l'on croit Émulation est un rite qui est très intérieur, il n'a pas besoin d’être développé. C'est pour ça en fait que je pense qu’Émulation est un rite très symbolique.

J’échangeais avec notre Frère Samuel en venant, et nous parlions de symbolisme, etc, etc... et je lui disait qu'il n'y avait rien de plus surprenant que de vouloir expliquer un symbole, parce que justement c'est au moment où on a plus de mots pour pouvoir dire quelque chose, exprimer quelque chose, que l'on va avoir recours à un symbole. Et ce qui est vraiment intéressant dans le symbole c'est de le vivre, plus que d'en parler !
 
Et bien Émulation propose cette possibilité là et c'est quelque chose qui est d'une très grande profondeur. Il est beaucoup plus facile d'aller chercher quelques définitions ici et là dans un dictionnaire pour dire qu'on a compris ce qu'était une Équerre. C'est effectivement beaucoup plus facile que de s'y donner, que de faire l'effort à chaque fois de faire réellement une Équerre, d'essayer de comprendre ce que c'est que cette équerre, d'essayer de la vivre, d'essayer d'être dedans !

Alors c'est une voie qui parait être souvent, je le vois avec certains Frères qui sont habitués à développer le symbolisme en loge, une voie âpre, pas très symbolique,

Et bien personnellement, j’affirme que c'est tout à fait le contraire ! Émulation est en fait une voie très profonde, très symbolique, mais qui justement n'a pas besoin d'expliciter ses symboles qui sont à l'intérieur plutôt qu'à l'extérieur.

Pour finir, considérons qu’Émulation donne la possibilité à travers le fait d'apprendre par cœur, à travers le fait que chacun s'implique, que chacun puisse donner et travailler au moment où va se passer une cérémonie.

La véritable différence semble résider là puisque quand tout le monde s'est donné, quand tout le monde a apporté, quand tout le monde a offert de son temps, quand tout le monde a passé trois semaines à réviser un petit texte, à essayer de comprendre ce qu’ils font, que tout le monde vient offrir tout ça en même temps, au même moment, à chaque fois il se passe quelque chose de fantastique !

En opposition, si on vient pour expliquer sa vision du monde, comment on trouve que l’homme est intelligent, comment on pense que ceci, il faut reconnaitre que cela a beaucoup moins de profondeur. C’est un constat !

Je suggère pour conclure de retrouver sur le site un article assez complet sur le sujet qui vous donnera plus de détails.

Nous ferons sans doute une troisième partie, il reste bien des choses à voir. Nous allons passer aux questions !

Les questions, j'aimerais qu'elles soient le plus possible dirigées vers les apprentis, c'est à dire qu'on essaie d'être proche de leurs besoins, et si ils ont des questions eux même qu'ils les posent, sinon que ce soit des questions proches des apprentis et pas des questions d'altitude.

Dominique P. : Je voudrais juste faire un apport. Le cinquième ordre au rite Français a été interdit en France en 1793 parce que ce cinquième ordre donnait la Noblesse. Ça voulait dire que les frères pouvaient participer à une assemblée constituante à l’époque. Donc, en France, ça a été interdit. Je parle pour les obédiences reconnues par l'Angleterre. Donc en 1793 ça a été interdit. En France après plus tard ils ont fait ce qu’ils ont voulu.

Et pour revenir sur le Rectifié, par rapport à Edouard de Ribaucourt, et moi qui vient d'une loge anglaise, la n°3 à la GLNF, je sais que je fais partie des anglais et les anglais ont inventé le fair-play pour les autres, pour eux, c'est eux qui en tant qu'anglais à l'époque, puisque St Georges a été créé en 1913, cherchaient à créer une loge en France. Ils étaient anglais, ils se préparaient à la guerre, et ils voulaient créer une loge, ils ont trouvé des acolytes qui cherchaient à faire une obédience. C’est Edouard de Ribaucourt... 

Donc pour eux, les anglais, c'est eux qui ont créé la GLNF, parce qu’ils disaient qu'il fallait trois loges pour faire une obédience, et Édouard de Ribaucourt avec ses deux loges, Le Centre des Amis et l'Anglaise 204 à Bordeaux ne pouvait pas créer une obédience. Donc grâce aux anglais ils ont pu créer une obédience en créant Saint Georges.

Philippe R. : C'est très vrai, mais comme je le disais la dernière fois je suis tout à fait d'accord. Ça ne me cause pas de problèmes. Le tout c'est qu'à la suite de ça on ne vienne pas nous donner des leçons. Voilà, c'est tout ! Mais autrement qu'il faille être une, deux, cinq, dix, vingt... ça m'est égal ! Ce qui est important c'est surtout la filiation, c'est ça qui est important. Après, qu'on soit trois ou cinq...

Dominique P. : Je vais vous raconter une blague, un jour à la GLNF les anglais ont dit « nous, on va vous montrer ce qu'est un rituel Émulation ». Donc ils organisent avec toute la GLNF une cérémonie d'initiation. C’était il y a 20 ans... il y avait deux candidats et la cérémonie commence et au bout d'un moment il y a le Secrétaire qui dit « Mais ce n'est pas notre candidat ! », et à un moment les anglais se disent « ah ben oui... ». En fait ils s'étaient trompés de candidat, celui-ci parlait bien français, il a rien compris, et donc ils l’ont ramené, mais on ne savait pas ce qu’était devenu l’autre candidat...mais que le secrétaire à dire « Mais ce n'est pas notre candidat ! », tous les français ont rigolé et depuis les anglais n’ont plus jamais donné des leçons à la GLNF pour dire, « On fait mieux que les autres ! ».

[Rires, fin de l'anecdote un peu confuse mais nous avons bien rigolé].

Philippe M. : Tout à l'heure vous avez dit que le REAA était une mise en place de type Ancien, qui côtoyait le rite Français qui lui est une mise en place de type Moderne. Or, si l’on constate que les loges au Rite Français ont toujours les mêmes dispositions, on remarque qu'au REAA on a des dispositions qui sont multiples et variées. Est-ce qu'on peut expliquer cette multitude de mises en place par la simple proximité du rite Français, ou est-ce qu'il y a différentes manières...

Philippe R. : Simple proximité du rite Français. C'était incroyable de voir comment les influences jouent, et même sur les décors. Il y a des décors qui sont parfois les même ! Un tablier du rite Français, un tablier du REAA, c'est le même et on change la couleur et puis c'est bon ! C'est exactement le même. Forcément avec le temps, il y a des usages qui se mettent en place et qui se durcissent d'un côté, qui se durcissent de l'autre. Et ce, que ce soit un rite de type Ancien ça a été clairement dit dès le départ. Justement, ils voulaient se distinguer, c'est la raison pour laquelle ils se sont mis en rouge plutôt qu'en bleu, ils voulaient se distinguer avec un rite Ancien. Ce qui est important c'était de sortir du carcan qui existait précédemment. Donc il n'y a pas d'interrogation sur le fait que ce soit un rite Ancien, mais avec des origines Modernes pour les Hauts Grades, et puis ensuite de ça une proximité telle avec le rite Français qu'il y a eu beaucoup de mélange. Parfois il est très difficile d'arriver à détacher ce qui est de l'un par rapport à l'autre, c'est assez complexe.

Philippe M : Je pense notamment à la mise en place en place des surveillants par rapport à la loge qui est un des premiers éléments visible... chez les anciens en ayant une disposition en équerre, et chez les modernes une disposition à l’ouest.

Ludovic F. : Je pense qu'il faut préciser pour nos plus jeunes frères que les Modernes sont appelés ainsi par dérision mais c'est les plus anciens, les premières structures. Les Anciens sont ceux qui sont plus tardifs. Il faut vraiment avoir cette inversion dans la terminologie...
 
Philippe R. : Plus tardifs au niveau de la constitution de leur Grande Loge, mais qui préexistaient avant, en tout cas qui n'étaient pas constitués en Grande Loge, et qui effectivement se sont constitués en Grande Loge en 1752 alors que les Modernes se sont constitués en 1717. Mais en tant que loges et bien je pense que beaucoup ont continué à exister, et après effectivement ils sont allés d'un côté ou de l'autre mais la Grande Loge des Modernes n'a pas pu ratisser tout le monde et n'a pas voulu d’ailleurs ratisser un certain nombre d'irlandais. Les Irlandais étaient à l'époque des moins que rien pour les anglais. Mais effectivement je pense que c'est de ça dont vous vouliez parler.

Au rite Français par exemple les surveillants ne sont pas disposés de la même manière et il y a effectivement des différences entre eux. Alors j'en parlerai dans mon tome 3, la prochaine fois on rentrera dans la loge et on fera encore plein de choses mais effectivement c'est intéressant à voir !

Dominique P : il y a quand même plusieurs REEA ! A la GLNF il y en avait 12. Il y en a même un où il y a des diacres comme en Emulation et ils étaient placés exactement comme au Français.

Jean-Mychel J. : On parlait justement des rites et surtout de nos Frères apprentis, est-ce qu'il y a des différences notables ou pas du tout sur la manière qu'ont les différentes loges de se comporter avec leurs apprentis ?

Philippe R. : Ah oui ! Il y a des loges dans lesquelles les apprentis doivent rester apprentis sept ans. Sept ans ! Faut avoir la patience ! Alors que tout ça n'a aucune raison d'être, c'est d'une très grande stupidité. Depuis sa création les grades sont passés et peuvent être passés, nous parlons de Rudyard Kipling, dans les mois qui ont suivi, tout ça n'est pas grave. Ce qui est important c'est qu'on ait la possibilité de digérer au fur et à mesure de sa progression, mais le but c'est de devenir maître, c'est à dire d'être Maçon plein, d'être Maçon fait. Alors effectivement, nous on a un système où on passe tous les ans, ça permet en plus de ça de mieux s'organiser, etc, etc... C'est très bien pour tout le monde, c'est un rythme qui me semble intéressant, mais faire attendre sept ans un apprenti...

De la même manière il y a plein d’endroits où l'apprenti n'a pas le droit de visiter, il n'a pas le droit de parler, il n’a pas le droit... Alors que chez nous effectivement il peut parler mais il parle jamais parce qu’il est ennuyé avant de commencer à parler. Et puis il a le droit d'aller visiter, on lui demande de visiter avec un maître, bien évidemment, et de faire attention où il va visiter pour des raisons assez bêtes, au Français les mots sont inversés. Donc si vous allez dans une loge française vous allez avoir directement le mot de compagnon, ce qui est dommage, mais pas grave en tant que tel. D'autant moins grave que le mot du Maçon autrefois c'était les deux ! C'était J et B les deux ensembles à la fois. Alors ils ont été séparés à un moment donné... Bref, dans certains endroits on a le J d'abord et le B après et dans d'autres c'est l'inverse, c'est pour ça que pour l'instant, pour que ce soit plus facile pour vous, il vaut mieux aller visiter uniquement des rites Émulations ou très proches, qui ne vous perdent pas ! Mais attendez d'être maître... c'est un conseil, pas une obligation !

Dominique P. : dans aucun rituel il n'est écrit qu'il est interdit à un apprenti de visiter. Cela n’a jamais existé ! C’est toujours ce qu’enseignent ceux qui ne connaissent rien.

Philippe R. : Bien sûr ! C'est les prescriptions de certaines loges, certaines obédiences... Nous nous essayons de bien traiter nos apprentis, comme ça [Interrompu par l'intervention d'un Frère, inaudible].
 
Philippe G. : Merci mon Frère orateur d'avoir réhabilité un peu le REAA en disant que c'était, au moins dans les hauts grades ce qui est vrai, créé par les hauts grades, que les apprentis comprennent que ça a d'abord été créé par les hauts grades et qu'après on a rajouté les trois premiers grades à REAA. Par contre vous avez dit qu'Emulation était avant tout oral...

Philippe R. : Non non, j'ai dit au contraire que l'oralité n'était pas une spécificité!

Philippe G. : Disons notion d'oralité... Mais je crois qu’à York c'est aussi très oral...

Philippe R.: Non, je dis que il n'y a aucune oralité particulière à Émulation, simplement le rituel est appris par cœur comme ça se fait depuis toujours, et d’ailleurs à York de la même manière, dans tous les rites anglo-saxons on apprend par cœur son rituel, point final, c'est tout ! C'est pas une spécificité d’Émulation, ce n’est pas une oralité, ce n’est pas l'histoire de la parole, ça a rien à voir avec ça... Voilà, on l’a appris et on continue à l’apprendre ...

Ludovic R. : alors non seulement il n’était pas imprimé, mais en plus quand vous allez dans une loge réellement installé selon la mise en place Emulation, vous n’avez rien pour poser vos papiers.

Arthur R. : ça fait vraiment plaisir que la conférence se tienne en trois parties, car en Maçonnerie les choses vont toujours par trois !

Ludovic F. : Ce n’est pas toujours vrai, parce que si vous aviez eu l'instruction de votre grade vous vous seriez aperçu qu'elle est en sept parties.

[Rires]

Philippe R.: Mais qui sait, si ça se trouve on le fera en sept parties ! ...

 

Conférence donnée à la Rudyard Kipling Lodge le 11 fevrier 2014 par le F. Philippe R.