Rudyard Kipling
15 Avril 2023

Histoire de la loge des Grands Steward n°0

J’ai été comme certains autres ici initié à l’âge de 21 ans…

Je crois que l’on doit être deux présents ce soir … Notre dernier initié et moi-même …

Cela veut dire forcement que quand on a 21 ans et que l’on rentre en maçonnerie, on se demande à quoi on peut servir ! C’est vrai … on se dit que l’on n’a pas beaucoup d’expérience, on ne sait pas grand choses encore, la Maçonnerie on y connait rien !

Alors on se dit effectivement que la solution pour donner, la solution pour rendre, et bien c’est de donner ce que l’on peut donner ! Ce que l’on sait faire ! Et donc, j’ai choisi à cette époque-là de donner ce que je pouvais donner, c’est-à-dire d’être présent aux agapes, de faire les agapes, de collaborer à l’organisation, d’être là avant, d’installer la table, d’installer la loge, bref … d’être toujours disponible pour des choses que je pouvais faire !

Alors que le reste, je ne savais pas le faire …

De plus, j’ai eu la chance… mais le fait que cela soit assez difficile … j’ai eu la chance de rentrer dans un cénacle entouré de grands érudits …et donc forcément, ce n’est pas facile.

[Un discret mouvement s’opère dans la loge, les Stewards de la loge reprennent place …]

Alors les Steward justement comme vous le voyez, et c’est un de leur privilège n’ont pas à frapper… ils peuvent rentrer et sortir comme ils le veulent car justement, ils n’ont pas à troubler le reste de la tenue pour justement aller voir si tout se passe bien. C’est la raison pour laquelle ils sont placés à cet endroit, en bout de colonne du sud, et ils ont la possibilité de rentrer ou de sortir comme ils l’entendent. Le Garde Intérieur ouvre la porte et il la referme quand ils sont sorti… c’est tout ! C’est la seule chose à faire.

J’en reviens à mon histoire et au fait que j’ai tout fait pour essayer de pouvoir rendre ce que j’avais eu, et de donner de la même manière, et j’ai trouvé que les agapes c’était une belle manière de donner, de partager et il est vrai que j’ai pendant un bon nombre d’année préparé des milliers de repas.

Alors, quand je dis des milliers de repas c’est des milliers de repas parce que à l’époque je les faisais chez moi, et de plus j’étais spécialiste de la cuisine anglaise du 18e siècle, et j’allais jusqu’à la perversion de faire en loge des plats anglais du 18e siècle.

Après j’ai fait une deuxième chose qui me semblait tout à fait naturelle pour un ignare en maçonnerie comme moi et bien c’était de m’intéresser au rituel.
C’est-à-dire de le connaitre au minimum, de le travailler, de pouvoir … et j’ai été le premier dans mon groupe à pouvoir tenter de faire l’expérience de faire une tenue par coeur. A tenter de faire une initiation, un passage, puis une élévation par coeur …

À l’époque cela ne se faisait pas du tout, et il y avait même des personnes réticentes à cela, parce que cela pouvait être une manière de qualifier quelqu’un et j’arrive à le comprendre.

Voilà donc comment je me suis investi dans la maçonnerie avec mes petits moyens, mais petit à petit, à force d’être présent, d’être assidu, volontaire, de donner, de donner de moi-même, et bien un jour on m’a dit « ce serait vraiment bien que tu sois là à la prochaine tenue des Maitres Installés, c’est à dire ceux qui ont reçu la Cérémonie Secrète, et qui se tient à La Garenne Colombes … il faut que tu sois là, il faut vraiment que tu sois là… » !

J’y suis allée…

J’y allais toujours et je me demandais pourquoi … je sentais bien qu’il y avait quelque chose et là, à la fin de la tenue, j’ai vu arriver notre frère Pierre Gaucher, habillé pour une des rares fois en Grand Steward, et il m’a remis cette tenue que je vous montre en me disant que lui ne la portait quasiment jamais car elle était trop lourde à porter.

Et ce que disait notre frère René Guilly, c’est que c’est certainement le tablier le plus difficile à porter dans la maçonnerie, quand on sait ce qu’il représente, quand on sait ce qu’il implique et l’Histoire que ce tablier peut avoir.

Voilà pourquoi je ne le porte jamais.

Je ne le poste qu’une fois de temps en temps pour vous montrer ce que c’est, parce qu’il y en a et qu’il existe, mais comme on le verra, quand on sait à quel point il est réellement…, qu’il fait partie des choses les plus importantes de la maçonnerie, et effectivement, comme vous l’avez souligné en préambule, il est totalement mésestimé et inconnu en France, et donc on fait attention quand on le porte.

Je voudrais vous montrer une petite photo, une photo que je vous ai déjà montrée ici, … il s’agit d’une photo d’une tenue de Grande Loge à Great Queen Street, et vous pouvez voir que vous avez en haut des colliers bleus, quelques colliers garter blue, et puis, plus vous descendez et plus ces collier garter blue sont ornés et puis, tout devant, au tout premier rang, des colliers et des tabliers rouge.

Alors il faut savoir que s’ils sont placés là ce n’est pas un hasard puisque dans les Constitutions de la Grande Loge Unie d’Angleterre, Article 37, il est noté que les Grands Stewards ont leurs places réservés dans la Grande Loge qui sont celles-ci, celles tout devant Alors justement, quelle est l’histoire de ce que l’on pourrait appeler la « garde prétorienne » de la maçonnerie anglaise.

Qui sont ceux qui ont justement ces privilèges, ceux qui ont cet aura, parce que dans la maçonnerie anglaise quand on se ballade avec ça on est quelqu’un et c’est le moins que l’on puisse dire !

Notons que ce ne sont pas les tabliers plus décorés, mais à la simple couleur … on est vraiment quelqu’un !

Alors effectivement si l’on veut comprendre qui sont ces Grands Stewards, et bien il faut revenir au tout début de la maçonnerie moderne.

Comme vous le savez, on a parlé plusieurs fois des débuts de cette maçonnerie moderne, les maçons avaient l’habitude de se réunir à la Saint Jean, certains à la Saint Jean d’été, d’autres à la Saint Jean d’hiver.

D’ailleurs, ces habitudes ont changé comme on le verra, mais c’est à la Saint Jean d’été le 24 juin 1717 que se sont réunies les quatre premières loges afin de former la Grande Loge de Londres et de Westminster, qui deviendra elle-même la Grande Loge d’Angleterre, qui deviendra la Grande Loge Unie d’Angleterre. Et ils se sont réunis dans une taverne qui se nomme l’Oie et le Grill et dont on sait que la plus grande salle faisait à l’époque moins de 28m².

On doit donc s’imaginer alors que cette Grande Loge naissante s’est tenue la première fois dans un local très petit au final. Ensuite, forcément quand on faisait une fête à ce moment-là, l’hôtelier de l’Oie et le Grill dont on connait aussi le nom aujourd’hui, on a beaucoup d’élément là-dessus, l’hôtelier s’occupait de tout.

Mais avec l’arrivée de Desaguliers, et l’arrivée de personnages puissants dans la nouvelle Grande Loge, avec l’arrivée en 1721 du second Duc de Montagu, qui est quand même quelqu’un d’important, c’est un haut personnage… ce n’est pas rien le Duc de Montagu !

Le Duc de Montagu est un personnage important, haut en couleur. Et par ailleurs, c’est un fantasque. Il adore les plaisanteries, il adore faire des blagues depuis tout petit, c’est lui qui a plongé Montesquieu dans un bain d’eau froide juste pour se marrer devant tout le monde tel que celui-ci l’a rapporté à un visiteur anglais à La Brède.

C’est donc un personnage puissant, important et très riche, et donc quand celui-ci prend les rênes, en tous les cas quand il prend le titre de Grand Maitre de la Grande Loge de Londres et de Westminster, la fête qui va suivre son installation va être d’une tout autre ampleur, et il va y avoir une procession qui va partir de la Kings Arm Tavern et rejoindre le Stationers Hall, qui est le lieu de réunion des papetiers et qui permet de contenir plusieurs centaines de personnes.

Et à partir de là il va falloir trouver une autre organisation, et on va donc missionner pour la première fois un Steward pour s’occuper de tout cela, sous la direction des 2 Grands Surveillants, mais c’est bien un seul Steward qui va s’occuper de tout cela.

Alors, et c’est assez amusant de la savoir, ce Steward s’appelle Jessia Villenot. Il est d’ascendance française, et il est bon de savoir que le premier Steward de la Grande Loge Unie d’Angleterre a été un maçon d’ascendance française.

Bref… c’est Jessia Villenot qui va organiser tout cela et cela va très bien se passer, mais dès lors, à partir de là, un certain nombre de mouvements vont se faire.

Les Grands Maitres vont se succéder à la tête de la Grande Loge… Le Duc de Richmond entre autre en 1725 qui…, je parlais tout à l’heure de la fête de la Saint Jean, va faire que les réunions de Grande Loge ne vont plus se faire à la Saint Jean le Baptiste mais à la Saint Jean l’Évangéliste, c’est-à-dire au mois de décembre et cette modification-là va entrainer de nouvelles mise en place.

Et en 1727, il va se produire un incident d’importance puisque le 19 décembre de cette année-là, alors que la fête doit avoir lieu le 27 décembre, seul 85 tickets sont vendu sur les 500 qui étaient disponibles. C’est la première fois que cela arrive et cela cause un problème d’importance. Tout le monde va se mobiliser, tout le monde va faire ce qu’il faut pour que l’ensemble des tickets soient vendus, pour que la fête se passe correctement mais c’est quelque chose qui va marquer les esprits.

Et dès 1728 il est décidé de nommer 12 Stewards quoi vont prendre en charge totalement l’organisation de cette fête importante qui concerne plusieurs centaines de personnes. Et ils ne vont pas se contenter de prendre en charge l’organisation, mais ils vont le faire sur leurs biens propres.

Ils vont donc être responsables jusqu’aux pertes si il y en a. Ensuite, toujours sous l’impulsion de Desaguliers, on veut montrer l’importance que peux avoir ce
poste et on veut vraiment le valoriser. Aussi, le Député Grand Maitre de l’époque, en 1728, va demander officiellement en réunion de Grande Loge qui se propose pour devenir Steward et annonce qu’il en faut 12.

Le premier à s’annoncer est le Conte de Hitchhiking qui est aussi un personnage considérable mais qui est également le Grand Maitre de l’année précédente et il se propose pour devenir Steward pour montrer … bien évidement sa candidature sera refusée, on lui dira que ce n’est pas la peine, que d’autre vont se proposer… mais il a fait ça pour montrer à quel point on voulait que cette fonction, ce poste devienne quelque chose d’important.

À partir de là on va commencer à donner un certain nombre de privilèges à ces Stewards, qui ne sont encore que Stewards, ils ne sont pas encore Grand, ils sont effectivement simplement Stewards.
Premier privilège : Celui de pouvoir nommer leur successeur. Et ça c’est la première fois que cela se passe ! Ils n’y aura pas de vote… aucun vote !

Chaque Steward aura le privilège de nommer son successeur et c’est énorme déjà !

Mais il ne s’agit là que du début des privilèges des Stewards.

Deuxième privilège…

Quelques années plus tard, en 1735, on décide de faire la réimpression des Constitutions de la Maçonnerie… et là on décide de mettre la liste de tous les Grands Maitres qui ont été élus jusqu’à présent. On donnera aussi la liste de tous les Députés Grands Maitres, de tous les Grands Surveillants… mais aussi… des Stewards !

On voit à quel point, en quelques années, ces Stewards ont commencé à prendre une importance capitale, c’est-à-dire celui d’être inscrits jusque dans les Constitutions.

Mais ce n’est pas tout …

Quelques mois plus tard encore, en juin 1735, on va, en reconnaissance des services rendus, et comme le dit le texte, « des services déjà rendu et des services qui vont être rendus », on leur donne le privilège de pouvoir créer une loge de Stewards, réservée aux Stewards.

Là encore, c’est une première !

On leur donne le privilège de porter des décors particuliers, avec une couleur particulière. Tabliers, colliers, bijoux particuliers !

1735 n’est-ce pas !

Et troisième privilège… et là il s’agit d’un privilège inouïe !

Il est décidé que désormais les Grands Officiers de la Grande Loge seront choisi parmi les frères ayant exercé la fonction de Stewards.

Avec ça … c’est juste quelques privilèges, n’est-ce pas ?

Comment en quelques années, ceux qui ont commencé à se charger de l’intendance, du fait que tout aille bien, et bien, on constate comment ils ont commencé à prendre le réel pouvoir !

Alors, cette loge des Stewards va recevoir le numéro 117, au tout départ de sa création.

Mais on verra qu’avec le temps, elle remontera à la position 115, puis à la position 70, puis à la position 60, puis 47 et en avril 1792, on décidera de mettre sur le tableau la loge des Stewards en première position.

Mais comme il y a déjà une loge numéro 1, on va lui mettre la loge numéro 0, et donc aujourd’hui encore, la loge des Grands Stewards possède le numéro 0 et est en première position au tableau des loges de la Grande Loge Unie d’Angleterre.

Alors, il y a un autre élément qui est très intéressant, à savoir que cette loge des Stewards qui a été créé en 1735 est une loge de maitres !

Le grade de maitre vient d’arriver « sur le marché » … c’est 1730 le grade de maitre.

On n’a rien avant ! On se doute peut être, mais on a rien avant. Et là cette loge est déjà une loge de maitres !

Aujourd’hui, cette loge des Grands Stewards existe toujours. 410 membres au dernier recensement.

C’est une loge forte et puissante qui a connu un destin inouïe et dont les postes sont toujours recherchés.

Concernant les décors que j’ai évoqués, comme vous le savez, il n’y avait pas de règlement précis sur les décors et tout le monde portait un tablier en agneau blanc.

Seuls les membres de la Grande Loge étaient autorisés à porter un liseré bleu autour de ce tablier.

Alors vous le savez, ou peut-être pas, la couleur qui était adopté pour la Grande Loge était celui de l’Ordre de la Jarretière et il se trouve que cette couleur a changé entre temps. Elle est passée de bleu ciel, si l’on peut dire, à Royal Blue c’est-à-dire bleu foncé, ou bleue nuit, et c’est la raison pour laquelle ces tabliers de Grandes Loges sont passés de bleu ciel à Royal Blue, c’est-à-dire bleu foncé et les autres avaient tous des tabliers blancs.

Aux États-Unis encore, dans la plupart des loges il n’y a que les officiers qui ont des tabliers de couleurs, les autres ont des tabliers blancs. Ils peuvent avoir des bordures mais ce sont des bordures blanches. Ils peuvent aussi avoir des broderies mais ce sont des broderies blanches… tout est blanc !

La couleur qui a été prise par les Grands Stewards est le Crimson, c’est-à-dire le cramoisie, c’est-à dire la couleur de l’Ordre du Bain, qui est le deuxième Ordre le plus important en Angleterre.

Alors je précise, autant l’Ordre de la Jarretière peut avoir un caractère un peu amusant quand on connait l’Histoire de sa création, mais pour ce qui est de l’Ordre du Bain, il n’y a rien d’amusant. Il s’agissait simplement lors de la cérémonie des chevaliers au moyen âge, on les plongeait dans un bain qui était censé les purifier, et donc il s’agit de ce bain en question, et l’Ordre du Bain est celi-là, d’ailleurs cela n’a pas tout à fait la même connotation pour un anglais que pour un français puisque
Bath est bain.

Concernant le bijou des Steward, celui-ci a été créé par un certain William Hogarth, je pense que beaucoup doivent le connaitre, puisqu’il s’agit d’un graveur et d’un peintre très réputé à l’époque qui a lui-même été Grand Steward en 1735. Ce qui montre encore …

Voici le bijou lui-même, il est vraiment très beau et dans une vente récente il a été vendu 2760£.

Malheureusement il a été abandonné en 1835 pour adopter une corne d’abondance.

En fait, ce qu’il se passait c’est qu’étant donné qu’il y avait de plus en plus de Grands Stewards, régionaux, nationaux… le bijou de Hogard devenait un peu onéreux et donc on a choisi de faire d’une autre manière.

C’est regrettable car c’est un très beau bijou.

Alors je vais vous montrer quelques gravures, notamment John Pitt en 1730.

Alors il faut savoir que comme toujours les anglais sont très forts là-dessus… il y a des Grands Stewards qui, s’ils sont élus par un certain nombre de loges, peuvent avoir les « niveaux de tabliers » de leur tabliers en dorés alors que ceux-ci sont généralement en argentés.

C’est ça qui est assez fantastique chez les anglais, c’est que l’on peut suivre chacun simplement pas ses décors, ce sont des petits détails de cet ordre-là, mais normalement ce sont des décors qui sont assez sobres et simples.

Ce troisième privilège qui est donc accordé en 1735 est donc de faire que les Grands Officiers seront désormais choisi uniquement parmi ceux qui ont été Grands Stewards, et ça c’est assez incroyable et cela va durer ainsi pendant près d’un siècle, et ce jusqu’à l’union, car forcément après l’union cela pose un problème avec la Grande Loges des Anciens, puisque les Anciens n’ont pas de Grands
Stewards.

Et donc à partir de là ce n’est plus possible de continuer dans cette voie là.

Mais on a trouvé une autre manière de faire, et cette manière est de donner le privilège à 18 loges de nommer chacune un Grand Steward. Et chaque année c’est en fait 19 loges, je vous expliquerais pourquoi 19, qui aujourd’hui élisent un Grand Steward qui va venir abonder cette loge des Grands Stewards, et c’est pour cela qu’à ce jour ils sont 410 car forcément on y reste une fois que l’on a été passé dans la fonction de Grand Steward. Et là, à partir de là on est dans la crème de la crème de la Maçonnerie.

18 loges ont été choisies, forcément les meilleures loges.

La n°1, celle des Grands Maitres, la n°2 Antiquity, puisque faisant partie des 4 à l’origine de tout ça, Royal Somerset House and Inverness n°4 et puis d’autres comme la Prince of Wells lodge … des loges qui ont donc le privilège de pouvoir nommer un Grand Steward.

Alors je disais 19 précédemment car il est arrivé un évènement assez étonnant, un évènement notable, puisqu’il était noté dans les Constitutions que ces 18 loges auraient se privilège de nommer un Grand Steward mais si elles n’exerçaient pas ce privilège, celui-ci leur serait retiré.

Et en 1852 une loge, la Old King Arms n°28, une loge ancienne, et pour celle-ci le message est arrivé trop tard. Le message est arrivé à quelques heures près mais trop tard. Et à partir de là, le Conte de Zetlang qui était le Grand Maitre de l’époque leur a répondu qu’ils n’avaient pas utilisé leur privilège en temps et en heure et donc... au revoir !

C’est une autre loge, la Pilgrimm Lodge, qui s’est vu attribuer ce privilège par le Conte de Zetlang.

Il se trouve toutefois qu’en 1904, un Comité se formera pour rétablir la Old King Arms dans son privilège et on aura donc une liste de 19 loges en finalité.

Ceci démontre qu’avec les anglais tout n’est jamais vraiment terminé, tout peut être remis en cause, tout est toujours possible.

Alors cette loge des Grands Steward ne s’est pas contentée de rester un organe d’organisation général de la Grande Loge, elle ne s’est pas contenté d’organiser les grandes fêtes, ni de devenir un organe de pouvoir, le réservoir des élites, puisqu’elle est devenue aussi une référence en matière de rituel.

En effet, puisque jusqu’à aujourd’hui, le rituel pratiqué dans la loge des Grands Steward est toujours réputé pour être le plus pur et le plus parfait.

Alors en 1813, lors de l’Union entre la Grande Loge des Modernes et celle des Anciens, les Grands Steward ont lâché un grand nombre de leurs privilèges, il ne pouvait faire autrement, mais ils ont toujours été actifs et présents.

La loge de promulgation qui a été créé en 1809 pour mettre au point un système qui devait permettre aux anciens et aux modernes de pouvoir vivre ensemble Cette loge de promulgation est composée pour la plupart de Vénérables Maitres en chaire, représentant des deux entités maçonniques, et elle va élire comme Vénérables Maitres des Vénérables Maitres, le Vénérables Maitres de la loge des Grands Stewards.

Donc, actifs et présents …

Effectivement, après l’union de 1813, comme vous le savez, ce seront des loges de démonstration qui vont répandre un peu partout en Angleterre le nouveau rituel qui a été mis au point.

La Grande Loge Unie d’Angleterre ne va jamais publier quelque rituel que ce soit, il n’y a aucun rituel officiel en Angleterre, il y a des « workings », des manières de faire, qui sont justement la plupart issu de ces loges de démonstration.

La première de toute est une loge qui s’appelle Stability qui a été créé en 1817 et qui est la première à commencer à montrer le rituel tel qu’il a été mis au point.

Mais c’était sans compter sur la loge des Grands Stewards, référence absolue en matière de rituels qui va à son initiative en 1823 faire créer, elle ne fera pas elle-même, c’est à dire motiver la création, de l’Emulation Lodge of Improvment, c’est-à-dire le rituel que nous pratiquons et qui est devenu le rituel le plus répandu dans le monde.

Ceci signifie que ce rituel est issu de la pratique qui était celle de… choisi dans tous les cas et sponsorisé par la loge des Grands Stewards.

Donc on le voit là encore, puisque même sur ce point-là, les Grands Stewards sont venu apporter, alors non seulement apporter leur pierre, mais aussi donner les orientations à la Grande Loge Unie d’Angleterre.

Tout ça pour montrer que le Steward et les Grands Stewards ne sont pas que ceux qui font les agapes.

La vision française du Steward et sa traduction française en Maitre des banquets n’a en fait rien à voir avec les réels contours de son travail et de ce qu’il fait.

En fait, Intendant serait un meilleur mot, Sénéchal serait encore un meilleur mot puisque Sénéchal veut dire le plus haut parmi les serviteurs et celui-ci était le serviteur du Roi.

Ce qui est intéressant aussi à voir et qui est très révélateur de l’esprit anglais, c’est qu’ils vont mettre en avant « ceux qui font » et que si’ l’on fait, on peut rejoindre les plus grands.

C’est d’ailleurs ce qui a toujours différencié la noblesse française et la noblesse anglaise.

En France il a toujours été très difficile sous l’ancien régime de devenir noble. On pouvait être riche, immensément riche, avoir fait les plus grandes choses, les choses les plus importantes, on en restait qu’un vulgaire roturier et même si on vous acceptait un peu on vous acceptait vraiment jamais.

Alors qu’en Angleterre, on pouvait très facilement naitre dans la fange et finir Lord.

C’était tout à fait possible et de la même manière aujourd’hui, et depuis toujours en Angleterre, on regarde ceux qui font. Les anglais sont très attachés au faire et donc si l’on fait, si l’on sait faire, on peut tout a fait faire partie des plus importants. Et il y a un certain nombre de tamisage qui sont mis en place car pour arriver à etre Grand Steward il faut déjà passer par les étapes des loges et puis remonter, etc ...

et puis on entre dans ces cénacles réservés. C’est possible et on peut y arriver !

Et ce que j’aime moi c’est le fait de se dire que l’on donne les clés du camion à ceux qui savent le conduire et qui ont montré qu’ils savaient le conduire et pas uniquement à des politiques qui vont mettre des voix autour de leur nom. Ce sont des gens qui ont fait, qui ont du faire, passer par le fait de faire les choses et ça c’est assez intéressant.

Pour finir, j’aimerais vous faire partager une citation assez amusante.

Une citation du Révérant Canon Richard Tydeman qui est Past Prestonian Lecturer, quand on sait ce qu’est un Passé Prestonian Lecturer… c’est quelqu’un qui a eu le privilège de faire une conférence Prestonienne, c’est-à-dire ce qui existe de mieux dans l’érudition maçonnique anglaise et qui a écrit un petit texte sur les Grands Stewards qui est à mourir de rire et qui finit en donnant une devise aux Grands Stewards qui est « aspectum eo quam map ab rougo qua fortifere labore» qui veut dire « Si mon visage est aussi rouge que mon tablier, c’est que je travaille beaucoup ».

Voilà …

Je peux répondre à quelques questions si vous voulez …

PM : Je vous remercie mon frère PR de cet exposé fort intéressant et qui permet de recadre pas mal de chose car on ne se rend peut être pas compte de l’influence de ces Grands Stewards sur la Maçonnerie en général et appréhender peut être le décalage qui peut exister, et en France, et peut être ailleurs, concernant ce que devrait, peut-être, être la FM avec des gens qui sont plutôt des « faiseux » que des « diseux » et on a peut-être tord malheureusement de laisser trop de place aux « diseux » au pas assez aux « faiseux », ou du moins peut être trop chercher à tirer profit des « faiseux » ...

FJC : En France, pourquoi y en a t’il si peux ?

PR : Parce qu’Émulation n’est pas assez présente en France. Parce que la mise en place française du Rite Français ou du REAA n’a rien à voir avec celle d’Émulation, et parce que justement ce sont des rites ou il y a des maitres de banquets, c’est-à-dire des gens qui font à manger … et parce que l’histoire n’est pas la même non plus, il n’y a pas eu dans ces premières années de nécessité d’organiser quasiment du jour au lendemain des fêtes comme cela a dû être fait là-bas.

C’est en grande partie dû à ça et qu’effectivement on est bien plus dans le « diseux » que dans le « faiseux » ! Alors la GLNF aurait peut-être pu faire quelque chose avec ça puisqu’effectivement il y a des Grands Intendants mais force est de constater que ce sont des titres honorifiques et que dans la réalité il ne se passe pas grand-chose.

EdR : Il existe une loge de Grands Steward en France ?

PR : il existe bien une loge de Grands Stewards en France, la Loge des Grands Stewards de France justement, elle n’a pas de numéro elle est totalement indépendante.

PM : Elle n’a rien à voir avec nous (ndlr : la Rudyard Kipling Lodge), elle vit sa propre vie !

PR : En effet, elle vit sa propre vie ! Elle n’est reliée avec personne, avec aucune obédience en particulier, car elle est Française, et donc comme les Français ne sont reliés avec personnes, ou alors elle aurait fait partie de la GLNF et à ce compte-là, ce serait encore autre chose.

Il faut bien comprendre qu’il est très difficile en France de suivre des traditions anglaises en fait parce que si vous voulez suivre une tradition anglaise, vous passez par la GLNF qui ne suit pas non plus la tradition anglaise puisqu’elle est française… et il n’y a pas non plus de loge de Grands Stewards à la GLNF !

C’est donc complexe, mais c’est ainsi !

EdR : Peut-être que pour aller plus loin, vous êtes quand même Grands Stewards, donc de quelle loge de Grands Stewards êtes-vous ?

PR : de la Loge des Grands Stewards de France !

EdR : Et qui est au milieu de nulle part ?

PR : Elle est au milieu de nulle part et c’est ça qui est beau, c’est assez beau d’être au milieu de nul par, comme nous (ndlr : la Rudyard Kipling Lodge) nous sommes au milieu de nulle part ! Et c’est ça qui est beau car être au milieu de nulle part, cela donne la possibilité de rencontrer des frères de la Grande Loge Unie d’Angleterre, des frères de la GLAMF, des frères du GO, de la GLNF…
des Grandes Loges européennes, belges, du Luxembourg, d’Allemagne, d’Espagne ou même encore du Québec, etc ...

Être au milieu de nulle part, c’est très séduisant, car cela affranchi certaines barrières établies par la politique.

EdR : Peut-être que c’est au centre en fait ?

PR : Peut-être ! En tout cas nous faisons tout pour à chaque fois les ramener vers le Centre et des que l’on s’excentre un peu, on travaille à y revenir !

PM : Mon frère DMP … vous avez la parole !

DMP : Personnellement je peux parler de la GLNF, les Grands Stewards qui sont nommés à la GLNF sont content d’être nommés car ils ont un titre, mais après ils sont moins content car contrairement à l’Angleterre, c’est une voie de garage ! Une fois qu’ils sont nommés Stewards, ils n’ont plus aucun titre bleu marine, donc ils le portent à vie, mais cela s’arrête là.

PM : C’est très vrai, car dans les tenues de Grandes Loges on ne les voit pas !

DMP : Et moi qui voyage beaucoup en Angleterre, je n’ai pas non plus vu beaucoup de Stewards. On les voit dans les Tenues de Grande Loge mais on ne les voit plus vraiment devant.

PR : ils ont perdu beaucoup de leur influence c’est possible.

DG : Les premiers Grands Stewards, dont certains étaient des personnages importants, profitaient-ils de leur position sociale pour faire faire ou faisaient-ils eux même ?

PR : on peut effectivement considérer qu’ils faisaient faire ! C’est d’autant plus difficile à répondre comme question car il faut se projeter dans le temps lui-même et contrairement à ce que l’on croit, les nobles mangent avec les roturiers, il y a un grand mélange autour des tables et on peut s’imaginer que d’ici ils servent ou ils desservent, est-ce que cela veut dire quelque chose ? Je ne suis pas capable de répondre avec précision à cette question parce que la réponse elle n’est pas celle d’aujourd’hui, les rapports ne sont pas exactement les mêmes. Dans tous les cas on peut dire qu’ils étaient actifs c’est ça le principal.

Après il faut aussi distinguer les Grands Stewards et les Stewards, mais je pense que ce qu’il faut retenir c’est que chacun doit donner ce qu’il peut donner, et si tout le monde donne, tout le monde reçoit et selon l’époque, selon le moment, on peut donner des choses différentes.

DPM : J’aimerais que notre frère nous dise comment il traduirait en français le mot anglais Steward si il faisait sa propre traduction.

PR : et bien je le disais tout à l’heure, je pense que intendant n’est pas une mauvaise traduction car l’intendant est celui qui s’occupe d’organiser les choses matérielles et générales depuis toujours, Sénéchal me semble aussi une bonne traduction dans la mesure où il s’agit du plus haut des serviteurs. C’est toujours très compliqué les traductions parce que le mot que nous employons ne
recouvre pas toujours le mot de la langue étrangère que l’on cible, il peut recouvrir une partie mais pas nécessairement tout. Après il faut faire des choix … mais je préfère toujours dire Steward !

EV : Il ne faut pas oublier que Steward est devenu à un moment Stuart et c’était le nom de la famille royale d’Angleterre, donc forcément cela a pris une connotation un peu plus noble.

PR : Alors en fait, c’est un titre. C’est-à-dire Grand Steward d’Ecosse, Great Steward of Scotland ou High Steward of Scotland qui est un titre honorifique et héréditaire écossais correspondant à celui de Sénéchal, ou Intendant, Steward en anglais. Il fut porté la première fois par Walter Fitz Alan qui servi le roi David 1er d’Ecosse au XIIe siècle et c’est pourquoi la Maison Stuart porte aujourd’hui ce patronyme.

MP : Mon frère P. j’ai deux observations. La première est que si j’ai bien écouté le terme d’intendant ne va pas suffisamment loin parce que tu as bien expliqué l’influence des GS sur le rituel que vous utilisez encore ce soir et qui va donc bien au-delà d’une simple intendance matérielle, organisationnelle, etc … et ma deuxième observation… jusqu’au rapprochement des anciens et des
modernes ; est-ce que tous les Grands Officiers étaient tous systématiquement issu du gisement des Grands Stewards, et alors qu’est ce qui s’est passé après, est-ce que les GS ont perdu après ce rapprochement de leur l’influence dans cet élargissement de la structure hiérarchique ?

PR : Bien sur … C’est exactement ça, ils ont perdu une partie de leur privilège même si ils ont toujours gardé une position extrêmement forte mais effectivement cela était difficile que cela perdure puisque les anciens n’avaient pas ce type d’organisation et donc une autre mise en place a été trouvé. Je pense que cela devait arranger aussi quelque uns le fait de ne plus avoir à passer par les Grands Stewards.

J-P : Je voulais préciser que dans le monde profane je porte le cramoisi. Je ne sais pas si vous savez que c’est la couleur qui est attribué aux médecins dans les corps d’armée et dans les corps des pompiers dont je fais partie. Le cramoisi chez les médecins fait bien sur référence au sang et je ne vous ferais pas l’insulte de vous rappeler qu’un personnage particulier à fais lui-même a un moment donné lors d’un dernier repas un parallèle entre le sang et le vin et j’ai bien noté la définition que vous donnez du Grand Steward comme le premier serviteur dans l’échelle des responsabilités, moi en tant que médecin, je me sens le premier serviteur de mes patients.

 

Conférence donné à la Rudyard Kipling Lodge par le F Philippe R le 23 juin 2017