LES PENALITES DES SERMENTS MAÇONNIQUES
Moi, ...en présence du Grand ...... Que Dieu m'aide et m'arme de constance pour tenir Fidèlement cette obligation solennelle d'Apprenti Franc-maçon. (Note de l’auteur : Il s'agit là du Serment de l'apprenti que nous ne pouvons évidemment pas reproduire ici)
Ce texte n'est pas anodin, il est un des éléments majeurs de notre rituel ! Ce texte est l’obligation que prend l’apprenti franc maçon lors de la cérémonie d’Initiation au Rite anglais de style Emulation !
Ce texte est très important pour le maçon anglais, et nous sauront plus tard pourquoi ! Toutefois, j’attire votre attention sur cette partie si peu commune que forment les pénalités ou châtiments de cette obligation, et qui je vous le rappelle, sont : « d'avoir la gorge tranchée, la langue arrachée à la racine et enfouie dans les sables de la mer à marée basse à une encablure du rivage, là où le flux et le reflux se font sentir deux fois par vingt-quatre heures, ou bien sous la peine plus effective d'être flétri comme un individu volontairement parjure, d'être stigmatisé comme étant un être dénué de toute valeur morale, etc, etc »
Ce texte peut, au 21e siècle, prêter à sourire. Toutefois comme à l’accoutumé dans l’étude d’une partie du rituel, il faut replacer le texte dans son contexte historique !
Nous sommes donc le 22 mars 1699, soit seulement 18 ans avant la création de la Grande Loge de Londres et de Westminster ! La loge Goose and Gridiron existe depuis 8 ans selon nos sources ! Mais ce jour est surtout un jour très particulier à Londres !
Nous sommes vendredi et les londoniens se rendent à un de leurs divertissements préférés ! C’est le jour des exécutions et la fête bat son plein sous la potence.
Cette fête a d’ailleurs déjà commencé à la prison de Newgate, où l’aumônier a exhorté les condamnés à se repentir pour obtenir le pardon, puis ayant formé un convoi, ils sont amenés au lieu d’exécution à Tyburn. Tyburn se trouve à proximité de l’actuel Marble Arch sur Oxford Street ...
En ce jour ; l’homme qui va être pendu est William Chaloner, un faux monnayeur reconnu coupable au début du même mois du crime de contrefaçon des pièces du Roi. Ce crime est considéré comme « A High Treason », un crime de haute trahison qui dans l’interprétation anglaise, s’agit d’une offense aux « Common law », la loi jurisprudentielle et qui puni des châtiments les plus durs, ceux du « Treason Act 1351 », la loi sur la Trahison de l’an 1351 !
L’homme qui l’a fait condamner est Isaac Newton, directeur de la monnaie Royale.
Le bourreau va lui faire subir dans peu de temps les châtiments qui s’appliquent dans un tel cas, et là il s’agit d’un très mauvais moment à passer ...
Le Treason Act 1351 est une loi établie en 1351 par le Parlement d’Angleterre. Cette loi a codifié tous les actes de trahisons et a été étendue en 1495 en Irlande, puis en 1708 en Ecosse. Il a été invoqué pour la dernière fois en 1945 pour juger William Joyce accusé d’intelligence avec l’ennemi. Bien qu’amendé plusieurs fois depuis son origine, il est toujours en cours aujourd’hui dans le Royaume Uni.
Nous savons cependant que les châtiments pour crimes de haute trahison en Angleterre sont à l’époque punis du châtiment de « hanging, drawing and quartering », soit après avoir été attaché à un portique en bois, et trainé par cheval jusqu’au lieu de l'exécution, les traitres sont pendus, pas toujours jusqu’à la mort, puis ils sont émasculé, la poitrine ouverte et éventré, éviscéré et le cœur arraché , décapité, et enfin écartelé pour être coupé en quatre morceaux. Cinq avec la tête !
Les restes sont exhibés dans des endroits visibles à travers le pays, tel que le pont de Londres, ou brulés sur un bucher notamment pour ce qui concerne les entrailles !
Alors me direz-vous, quel rapport avec les châtiments contenus dans nos obligations ?
Il semble clairement établi maintenant que nous les retrouvons dans l’exécution de ces graves châtiments de cette loi de 1351 et dans les gravures présentés ici.
Mais revenons à notre première obligation qui dit je vous le rappelle encore une fois, « d'avoir la gorge tranchée, la langue arrachée à la racine et enfouie dans les sables de la mer à marée basse à une encablure du rivage, là où le flux et le reflux se font sentir deux fois par vingt-quatre heures, etc... »
Il existe beaucoup de matériaux sur les châtiments médiévaux, et les analyser tous nous prendrais beaucoup plus de temps que nous en avons ce soir !
Toutefois dans « Punishment of former days » d’Ernest W Pettifer, un ouvrage qui retrace l’histoire des crimes et des châtiments leur correspondants en Angleterre, l’auteur évoque la description d’une sanction appliquée dans le cas d’une violation d’un secret du Conseil du Roi dans une ordonnance de 1451 de la cour de l’Amirauté datant d’Henry VII d’Angleterre émise par l’Amiral de l’estuaire de Humber, Maire de Hull, soit la sanction appliquée pour un acte de haute trahison et qui nous est dit ceci :
« You masters of the quest, if you or any of you, discover or disclose anything of the King's secret couseul, or of you fellows (for the present you are admitted to be the King's counsellors) you are to be and shall be, had down to the lower- water mark, where must be made three times. O Yes! For the King and then and there this punischement, by the law prescripted, shall be executed upon them : that is their hands and feet bound, their throats cut, their tongues pulled out, and their bodies thrown into the sea. », …
Soit en synthèse, ce texte prévenait que dans l'hypothèse où était brisé un secret du Conseil du Roi, alors le coupable serait maintenu à la limite des basses eaux, pour trois fois, et les mains et pieds liés, la gorge tranchée, la langue arrachée et le corps jeté à la mer ...
Nous retrouvons ce même texte dans ce livre de 1899 « The Bygone Punishment » de William Andrews mais aussi dans une étude sur le sujet publiée dans l’AQC , volume 77, de l’année 1964, à la page 31.
Maintenant, je remercie le Frère Patrick B., membre de l’Emulation Lodge Of Improvment, pour son aide précieuse dans la compréhension qu’il m’a apporté à ce texte puisqu’en substance : La langue « arrachée à la racine » est enfouie dans le sable là où elle ne bouge plus.
Pourquoi à la laisse de basse mer ?
Parce qu’ainsi elle est enfouie à marée basse entre la laisse de haute et celle de basse mer, dans cette portion de sable qui n’est ni la terre, ni la mer, et qui en français s’appelle l’estran.
Ce sable entre terre et mer n’est sous aucune juridiction civile ou ecclésiastique, mais sous une juridiction maritime, celle de l’Amiral ! Nous parlons bien d’une ordonnance de la cour de l’Amirauté de l’Estuaire de Humber !
Le flux et le reflux de la marée recouvrent l’estran deux fois par 24 heures et effacent les traces de l’enfouissement. Ainsi cette « langue de la bonne renommée » du maçon qui a trahi est non seulement enterrée en un lieu abandonné de Dieu et des hommes, mais où nul ne pourra jamais la retrouver.
Une « encablure du rivage» est typique de la tautologie ou des redondances du rituel puisqu’une encablure vaut 185 mètres, soit un dixième de nautique. « A cable’s length », littéralement une longueur de câble, se traduit donc par une encablure...
Nous disposons même d’un commentaire de ce spécialiste qui nous dit en substance :
La langue comporte deux parties : la langue mobile, celle que l'on peut sortir de la bouche et la base de la langue ou racine, profondément située dans le cou, en continuité avec l'ensemble larynx-pharynx- trachée, que l'on ne peut pas aborder par voie naturelle ou transbuccale.
Aussi un bourreau peut saisir la langue mobile avec une pince, la tirer hors de la bouche et sectionner la partie mobile. Cela saigne beaucoup mais permet la survie, soit respiration et alimentation. Par contre la phonation est bien perturbée.
Un chirurgien ne peut, en revanche, enlever plus d'un tiers de la base de la langue sans compromettre les fonctions essentielles de déglutition, alimentation et respiration. Si l'on est contraint d'enlever la totalité de la base de la langue on est contraint d'enlever aussi le larynx et une partie du pharynx. Ceci est une intervention très lourde, qui concerne un tiers ou plus de la base de langue, et qui ne peut se faire aucunement par les voies naturelles. On est obligé d'ouvrir le cou, largement, pour accéder à la base de la langue.
Un bourreau qui veut arracher la langue à la racine est obligé de faire donc comme le chirurgien, en plus brutal ! Il doit d'abord ouvrir le cou, soit égorger en gros d'une oreille à l'autre, puis sectionner la racine de la langue et l'arracher. Ceci entraine obligatoirement la mort.
Donc cohérence parfaite de la science positive médicale moderne, des écrits historiques, de la tradition et du rituel Maçonnique :
ÉGORGÉ ET LA LANGUE ARRACHÉE À LA RACINE !
Pour conclure cet exposé, nous pouvons retenir trois choses essentielles dans tout cela :
La démonstration que les châtiments contenus dans nos obligations maçonniques, sans distinction du Rite, ont une origine civile et trouvent particulièrement leurs sources dans les « common laws » de l’Angleterre médiévale.
Il s’agit de châtiments graves pour des crimes graves ; Ceux concernant les crimes de haute trahison envers la Société ou la Royauté.
Tous les châtiments contenus dans nos obligations sont les conséquences d’un seul et même crime :
LA TRAHISON !
Conférence donnée par le F. Philippe M. à la Rudyard Kipling Lodge le 13 mars 2013